Genève, publié le 14 janvier 2010 – Partout dans le monde, la décision de l’Iran de commencer le procès des sept dirigeants bahá’ís a suscité une forte réaction internationale chez les observateurs, y compris de la part de la détentrice du prix Nobel, Maître Shirin Ebadi qui a demandé qu’ils soient immédiatement libérés et acquittés.
« Si un juge impartial investigue les accusations portées contre mes clients et si la justice prévaut, seul un verdict d’acquittement est possible, a déclaré Me Ebadi, au cours d’une entrevue publiée sur WashingtonTV, un service américain de nouvelles sur le Web.
Me Ebadi, qui fait partie du groupe d’avocats assurant la défense des sept accusés, a dit qu’elle avait lu attentivement le dossier des accusations portées contre eux et qu’elle n’avait « trouvé ni cause ni preuve à l’appui des charges criminelles portées par le procureur ».
D’autres observateurs ont exprimé leur inquiétude quant à l’impartialité du procès et ont demandé qu’il se déroule publiquement et se conforme aux normes juridiques internationales. Des gouvernements et personnalités de l’Union européenne, des États-Unis, du Brésil, de l’Inde et du Canada ont également, dans des déclarations très fortes, exprimé leur vive inquiétude.
Dans une déclaration publiée hier, l’Union européenne faisait écho à une demande antérieure que des observateurs étrangers puissent assister au procès des sept bahá’ís.
« L’UE rappelle que la liberté de pensée, de conscience et de religion est un droit fondamental et absolu dont le respect doit être garanti en toutes circonstances. L’UE réclame un procès équitable et transparent qui soit conforme à l’ensemble des normes et obligations internationales… »
Au Brésil, Luiz Couto, président de la Commission des droits de l’homme de la Chambre fédérale des députés, affirmait hier, dans une lettre adressée à l’ambassadeur d’Iran, qu’il semblait que « le procès ne se déroule pas de façon transparente et publique » et que tout procès à huis clos serait une violation du droit à une défense complète et équitable.
« Nous considérons que la liberté de religion et de croyance – pour les musulmans, les chrétiens, les juifs, les bouddhistes, les bahá’ís et tous les autres groupes confessionnels – est un droit fondamental, essentiel à toute démocratie, aussi bien en Orient qu’en Occident », a affirmé le député Couto.
Lundi, le Département d’État américain a condamné la décision de l’Iran de commencer ce procès.
« Les autorités détiennent ces personnes depuis plus de vingt mois, elles n’ont rendu public aucune preuve et ont restreint considérablement leur accès à un avocat, affirmait Philip J. Crowley, secrétaire adjoint au Bureau des affaires publiques du Département d’État. Ces personnes ont droit à l’application régulière de la loi. »
En Inde, des personnalités ont réclamé que leur gouvernement soulève la question de la persécution des bahá’ís auprès des autorités à Téhéran. Selon un article paru samedi dernier dans le journal The Hindu, Maja Daruwala, directrice de l’organisation Commonwealth Human Rights Inititiative, affirmait « Notre pays a une longue histoire de pluralisme et de tolérance et doit prendre leur défense ».
Vendredi dernier, le ministre des Affaires étrangères du Canada, M. Lawrence Cannon, a fait une déclaration dans laquelle il exprimait la vive inquiétude de son pays au sujet de la détention persistante des sept dirigeants bahá’ís. « Il est déplorable que la détention de ces personnes soit fondée uniquement sur leur foi et qu’elles n’aient pas eu droit à un procès juste », a déclaré M. Cannon.
Dans une entrevue donnée hier à la BBC World Service, Cherie Blair, éminente avocate des droits de l’homme, réclamait la libération de « ce groupe de personnes dont la religion prêche la paix et qui n’ont absolument rien fait pour mériter ce procès » .
Dans l’interview avec WashingtonTV, Me Ebadi, qui réside actuellement hors d’Iran, a également donné un aperçu de ce qui s’est déroulé hier devant la section 28 du Tribunal révolutionnaire, où la « première audience » du procès s’est déroulée.
Elle a relaté que seulement deux avocats du Centre des défenseurs des droits de l’homme, dont elle est la fondatrice, ont pu être présents au tribunal et que malgré la demande d’une audience publique, le procès s’est déroulé à huis clos.
Les accusations portées contre les sept bahá’ís ont été réitérées hier dans les médias étatiques. On les accuse d’espionnage, « d’activités de propagande contre l’ordre islamique », d’offense au caractère sacré de la religion et de propagande contre le gouvernement, de coopération avec Israël, d’avoir établi une administration illégale, d’avoir transmis des documents secrets à l’étranger, d’avoir agi contre la sécurité du pays et de « corruption sur terre ».
Diane Ala’i, représentante de la Communauté internationale bahá’íe, a déclaré que les sept accusés avaient catégoriquement et constamment démenti les allégations portées contre eux : « Nous pouvons être certains qu’ils ont fait de même hier devant le juge. »
Les sept prisonniers sont Mme Fariba Kamalabadi, MM. Jamaloddin Khanjani, Afif Naeimi, Saeid Rezaie, Mme Mahvash Sabet, MM. Behrouz Tavakkoli et Vahid Tizfahm.
Tous sauf une ont été arrêtés le 14 mai 2008 à leur domicile à Téhéran. Mme Sabet a été arrêtée le 5 mars 2008 à Mashhad. Ils ont depuis été détenus à la prison Evin à Téhéran, sans que la moindre charge n’ait été retenue contre eux, ni qu’un avocat ait pu avoir accès à eux pendant au moins un an.
Avant leur arrestation, les sept bahá’ís avaient servi au sein d’un groupe ad hoc connu sous le nom les « Amis ». Leur rôle, dont ils s’acquittaient au su du gouvernement, était de s’occuper des besoins matériels et spirituels essentiels de la communauté bahá’íe d’Iran, privée de corps dirigeants depuis la dissolution des institutions élues en 1983, en réponse à un décret gouvernemental.
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