Les sept responsables bahá’ís emprisonnés envoient une lettre au président Rouhani.

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Photo des sept responsables bahá’ís emprisonnés : assis en partant de la gauche, Berouz Tavakkoli et Saeid Rezaie et, debout, Fariba Kamalabadi, Vahid Tizfahm, Jamaloddin Khanjani, Afif Naemi et Mahvash Sabet.
Photo des sept responsables bahá’ís emprisonnés : assis en partant de la gauche, Berouz Tavakkoli et Saeid Rezaie et, debout, Fariba Kamalabadi, Vahid Tizfahm, Jamaloddin Khanjani, Afif Naemi et Mahvash Sabet.
NEW-YORK, le 7 janvier 2014 – Les sept responsables bahá’ís iraniens emprisonnés ont écrit une lettre au président Hassan Rohani, qui commente son projet de « Charte des droits des citoyens ».

Au cours de sa campagne pour les élections au début de cette année, le président Rouhani a promis une telle charte, déclarant qu’elle permettrait de mettre fin à la discrimination basée sur la race, le sexe ou la religion.

Une version préliminaire de cette charte a été postée en persan sur un site internet du gouvernement le 26 novembre 2013, en offrant aux citoyens iraniens 30 jours pour y proposer leurs commentaires.

Photos des sept dirigeants bahá’ís emprisonnés : en haut en partant de la gauche, Berouz Tavakkoli, Fariba Kamalabadi, Vahid Tizfahm, Mahvash Sabet ; en bas en partant de la gauche, Jamaloddin Khanjani, Saeid Rezaie et Afif Naemi.
Photos des sept dirigeants bahá’ís emprisonnés : en haut en partant de la gauche, Berouz Tavakkoli, Fariba Kamalabadi, Vahid Tizfahm, Mahvash Sabet ; en bas en partant de la gauche, Jamaloddin Khanjani, Saeid Rezaie et Afif Naemi.
Le texte de la lettre – signée par les sept responsables, Fariba Kamalabadi, Jamaloddin Khanjani, Afif Naeimi, Saeid Rezaie, Mahvash Sabet, Behrouz Tavakkoli et Vahid Tizfahm – est repris ci-dessous dans son intégralité.

Ces sept croyants bahá’ís ont actuellement purgé plus de cinq années de leurs peines de prison d’une durée de 20 ans. Ces peines ont été prononcées sur de fausses accusations basées uniquement sur leurs croyances et leurs pratiques religieuses. Ce sont actuellement les plus longues peines pour des prisonniers de conscience en Iran.

Photo des sept responsables bahá’ís et leurs épouses, peu avant leur arrestation en 2008.
Photo des sept responsables bahá’ís et leurs épouses, peu avant leur arrestation en 2008.

Traduction d’une lettre des anciens Yaran1 adressée au président iranien :

Votre Excellence, M. Hassan Rohani,

Il y a dans la vie de chaque nation des moments de grande importance, lorsque des actions apparemment simples peuvent changer le cours de l’histoire, lorsque des malentendus séculaires peuvent connaître un début de résolution et lorsque peut s’ouvrir un nouveau chapitre de la destinée de son peuple. Le récent appel public de Votre Excellence, concernant la participation au discours portant sur les droits et les responsabilités des citoyens, a suscité dans les cœurs, l’espoir qu’un tel moment était arrivé pour le peuple d’Iran et l’avenir de cette terre sacrée. Appréciant cette invitation, nous sommes poussés par un devoir moral envers notre pays natal, et particulièrement par une profonde inquiétude pour les jeunes de notre pays, à joindre notre voix à cet important discours.

Arrêtés il y a plus de cinq ans et emprisonnés à cause de nos seules activités de gestion des affaires intérieures de la communauté bahá’íe d’Iran, nous prenons cette initiative du fond de nos cellules et en dépit d’obstacles considérables sur notre chemin, en tant que citoyens respectueux de la loi. Nous écrivons cette lettre en ce moment critique et décisif de crainte que l’Histoire ne nous juge sévèrement pour avoir failli à notre devoir.

M. Rohani, Votre Excellence, le seul fait de montrer de l’intérêt dans la reconsidération et le maintien des droits de l’individu est en lui-même très important ; néanmoins, nous trouvons nécessaire de mentionner ici avec force que, selon nous, l’unité de tous les peuples et leur liberté fondamentale ne sont pas simplement des concepts civils et légaux – ce sont des principes spirituels dont la source est le Créateur divin qui a fait toute l’humanité à partir de la même origine. À juste titre, les Iraniens souhaitent prospérer et s’épanouir, individuellement et collectivement. Ils souhaitent voir leurs enfants se développer, leurs jeunes suivre le chemin du progrès et leur nation jouir de la paix et de la tranquillité. Pourtant, de toute évidence, aucune de ces aspirations ne peut se réaliser sans que les conditions sociales et légales ne permettent que tous les éléments constitutifs de la société soient traités de manière égale et convenable, que tous les individus se voient accorder les droits de l’homme fondamentaux et que personne ne soit asservi ou opprimé en raison de son appartenance ethnique, de son sexe, de sa croyance religieuse ou de toute autre distinction.

Le discours actuel sur les droits civiques porte essentiellement sur une charte qui est à l’étude. Cependant, nous croyons que, au-delà de la recherche de commentaires sur le contenu de ce document, votre invitation est une occasion pour nous tous de réfléchir à l’état de notre pays et d’envisager le type de société dans lequel nous souhaiterions vivre. Afin qu’une telle réflexion puisse être effective, il semble essentiel de se poser d’abord des questions sur l’état de notre société et sur l’environnement dans lequel on souhaite élever les générations futures. On doit sonder le fond de son cœur. Parce que notre pays a souffert de toutes sortes de préjugés, de discriminations, d’agressions et de problèmes sociaux – une souffrance dont les conséquences sont apparentes dans tous les secteurs de la vie collective de la nation –, on doit se demander : quels sont véritablement les principes fondamentaux qui permettraient de répondre à nos plus hautes aspirations pour notre nation et quels seraient les moyens pour mettre en œuvre ces principes ? Comment respecte-t-on la noblesse de chaque individu ? Comment développer un environnement constructif dans lequel les divers éléments constitutifs de la société pourraient prospérer ? Quelles sont les conditions nécessaires à une pleine et entière contribution des femmes ? Comment souhaite-t-on que les enfants soient traités ? Comment permettra-t-on aux minorités ethniques, religieuses ou autres de contribuer, au coude à coude avec tous leurs concitoyens, à l’amélioration de la société ? Que peut-on faire pour que les différents points de vue et les différentes convictions soient respectés ? Comment peut-on éliminer la violence sociale ? Comment peut-on garantir le droit à l’éducation pour tous ? Ces réflexions sont parmi celles qui devraient nous éclairer alors que nous recherchons les principes qui doivent guider notre société et permettre la formulation des droits des citoyens.

Votre Excellence, rechercher les avis des différents éléments de la société sur leur conception de l’avenir peut, bien entendu, représenter un premier pas vers la construction d’un pays progressiste, mais ce qui est d’une importance fondamentale c’est de revoir les programmes d’enseignements des écoles de la nation afin de préparer le terrain pour l’enracinement d’une culture progressiste établie sur des principes fondamentaux tels que la noblesse de l’être humain et l’égalité de tous devant la loi.

Bien qu’identifier les droits civiques et les inscrire dans une charte soit une initiative importante au cours du développement d’un pays, si une telle charte n’est pas soigneusement rédigée ou, pire encore, si elle était délibérément conçue comme un moyen d’exclusion, elle pourrait être utilisée pour justifier la discrimination et pour perpétuer l’oppression. Par conséquent, au-delà des bienfaits qui découlent d’une parole libre et ouverte et de programmes éducatifs appropriés, il est impératif, pour la protection des droits des personnes, de promulguer, en premier lieu, des lois qui protègent explicitement ces droits, puis de créer les structures qui interdisent une interprétation arbitraire de la loi. Le licenciement de milliers de citoyens bahá’ís de postes gouvernementaux, l’exécution de plus de deux cent bahá’ís innocents, l’expulsion des universités de milliers d’étudiants, les condamnations prononcées durant les huit dernières années contre des centaines de bahá’ís – y compris ce qui nous est arrivé et le processus judiciaire qui a conduit à une peine de vingt ans d’emprisonnement pour chacun de nous – , sont des cas exemplaires qui illustrent nos arguments et démontrent amplement le besoin de remparts dans l’application de la loi. Pendant toutes les années durant lesquelles nous avons eu l’honneur de servir la communauté bahá’íe d’Iran, les autorités étaient pleinement informées de notre engagement dans ce travail. Puis, un jour, en résultat d’une pensée pervertie et du caprice de certains individus au pouvoir, il a été décidé de considérer notre service comme illégal et, en conséquence, nous avons passé près de six ans derrière les barreaux.

Votre Excellence, si des solutions efficaces ne sont pas conçues, qui peut être certain que, dans ces conditions où les droits individuels peuvent être aussi arbitrairement piétinés, le sort qui nous est réservé aujourd’hui ne lui sera pas imposé demain ?

Pour conclure, nous souhaitons à Votre Excellence tout le succès possible dans son service sincère à la grande nation qu’est l’Iran, sur la voie de la justice, de la liberté et de l’égalité.

Respectueusement,

Vahid Tizfahm, Jamaloddin Khanjani, Saeid Rezaie, Mahvash Shahriari, Behrouz Azizi-Tavakkoli, Fariba Kamalabadi, Afif Naimi


  1. Ce mot désigne les sept responsables bahá’ís emprisonnés. NDLR 

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