Genève, publié le 15 février 2009 – Selon des informations de l’agence iranienne ISNA, sept bahá’ís actuellement emprisonnés sont accusés d’espionnage ainsi que d’autres délits et leur cas va être soumis au Tribunal révolutionnaire la semaine prochaine. Selon la Communauté internationale bahá’íe, ces rapports sont très inquiétants et pourraient bien marquer un nouveau tournant dangereux dans la persécution des bahá’ís en Iran.
Diane Ala’i, représentante de la Communauté internationale bahá’íe auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que ces accusations étaient fausses et que le gouvernement le savait bien. Elle a ajouté qu’il faudrait libérer immédiatement les sept bahá’ís détenus à Téhéran.
Le 11 février, l’agence iranienne ISNA a fait état d’un procès éventuel à l’encontre des bahá’ís emprisonnés, citant le substitut du procureur à Téhéran, M. Hassan Haddad. Selon cette information, l’affaire serait envoyée aux tribunaux révolutionnaires la semaine prochaine, accusant les sept bahá’ís « d’espionnage en faveur d’Israël, d’offense au caractère sacré de la religion et de propagande contre la république islamique ».
Il semble que les sept personnes dont parle Monsieur Haddad sont ce groupe de dirigeants bahá’ís de Téhéran arrêtés lors des rafles de l’an dernier, rafles qui ont d’ailleurs rappelé les ratissages d’il y a près de trente ans, au début de la révolution islamique. A ce moment-là, les ratissages avaient conduit à l’exécution de douzaines de dirigeants bahá’ís.
Les sept dirigeants bahá’ís sont détenus depuis plus de huit mois et aucune preuve de leur culpabilité n’a jamais été avancée. A aucun moment durant leur incarcération, les accusés n’ont pu rencontrer leur avocat, Maître Shirin Ebadi. Cette dernière a été menacée, intimidée et diffamée dans les médias depuis qu’elle a pris leur cas en mains ; de plus, elle n’a jamais pu consulter le dossier des prévenus. En décembre, le gouvernement a décidé de fermer les bureaux du Centre des défenseurs des droits de l’homme, centre créé par Maître Ebadi. « Le gouvernement doit maintenant permettre à Madame Ebadi de voir les prisonniers et leurs dossiers », a encore déclaré Mademoiselle Ala’i.
Toutes les institutions bahá’íes élues ou nommées furent mises hors la loi par le gouvernement en 1983. Avant cela, la plupart des membres de trois conseils nationaux antérieurement élus avaient été exécutés. En l’absence d’un organe directeur national (connu sous le nom de « Assemblée spirituelle nationale »), un groupe ad hoc de direction, connu sous le nom de « Amis en Iran », a été formé au vu et au su du gouvernement et il a fonctionné depuis lors comme organe de coordination des activités des 300 000 bahá’ís de ce pays. Les différents gouvernements au pouvoir en Iran depuis 1983 ont toujours eu connaissance de l’existence de ce groupe. En réalité, tout au long de ces années, les autorités ont couramment traité avec les membres de ce groupe, bien que souvent de façon informelle. « Déclarer à présent que ‘Les amis en Iran’ constitue un groupe clandestin est un argument fallacieux », a ajouté Mademoiselle Ala’i.
Une campagne systématique
Les poursuites judiciaires à l’encontre des dirigeants n’est qu’une étape supplémentaire dans la campagne systématique orchestrée par le gouvernement depuis 30 ans pour éliminer la communauté bahá’íe en tant qu’entité viable en Iran, pays où est née la Foi bahá’íe. Des agences des Nations Unies ont fourni des preuves à propos de cette campagne.
L’arrestation des dirigeants bahá’ís a lieu dans le contexte d’une campagne d’attaques de plus en plus ciblées de la communauté bahá’íe. Cette campagne a notamment vu la création et la circulation de listes de bahá’ís, avec instruction de suivre secrètement les activités des membres de la communauté ; des descentes au domicile de bahá’ís, à l’aube, et la confiscation de biens personnels ; la forte augmentation du nombre de bahá’ís arrêtés au cours des deux derniers mois ; l’incitation journalière à la haine des bahá’ís dans toutes sortes de médias de masses contrôlés par le gouvernement ; la tenue de symposiums et de séminaires anti-bahá’ís organisés par le clergé, suivis d’attaques orchestrées de maisons et de biens bahá’ís dans les villes et villages où se tenaient ces rencontres ; la destruction de cimetières bahá’ís partout dans le pays et la démolition de lieux saints et de mausolée bahá’ís ; des incendies criminels de maisons et de biens bahá’ís ; l’exclusion des bahá’ís de l’enseignement supérieur, et de plus en plus, la diffamation d’enfants bahá’ís dans leur classes par leurs enseignants ; la publication de nombre de professions ou de métiers interdits aux bahá’ís ; le refus d’accorder des prêts bancaires aux bahá’ís ; la fermeture de magasins bahá’ís ; le refus d’accorder des licences ou de les renouveler pour les bahá’ís qui sont dans les affaires ; harcèlement des propriétaires de biens loués à des bahá’ís pour leurs affaires afin qu’ils chassent leurs locataires ; et encore des menaces contre les musulmans qui s’associeraient à des bahá’ís.
Mademoiselle Ala’i a également déclaré que la nature des accusations rapportées à l’encontre des sept bahá’ís, le moment choisi pour les publier et l’annonce d’un procès éventuel sont de bien mauvais augure.
« Les accusations d’espionnage au profit d’Israël sont fréquemment utilisées par le gouvernement iranien quand il souhaite intenter une action arbitraire contre les bahá’ís, a déclaré Madame Ala’i. Depuis le début des années 1930, les ennemis de la foi bahá’íe en Iran ont prétendu que la religion était en fait une secte politique créée par des gouvernements impérialistes qui voulaient affaiblir l’Islam. Les bahá’ís ont été accusés successivement d’être des instruments de l’impérialisme russe, du colonialisme britannique, de l’expansionnisme américain et en dernier ressort du sionisme ».
« Le siège mondial de la foi bahá’íe se trouve aujourd’hui au sein des frontières de l’Israël moderne, fait qui résulte de l’exil du fondateur de la foi, Bahá’u’lláh, par les empires perse et ottoman au milieu du 19ème siècle. En 1868, 80 ans avant la fondation de l’état d’Israël, Bahá’u’lláh se voyait exilé comme prisonnier à vie dans la ville d’Acre ».
« Si les bahá’ís sont accusés d’espionnage pour le compte d’Israël, pourquoi alors ne cachent-ils pas leur identité ? Pourquoi des centaines d’entre eux ont-ils été exécutés pour avoir refusé d’abjurer leur foi et pour ne pas avoir embrassé l’Islam. Pourquoi des milliers de bahá’ís ont-ils été privés de leur travail, de leurs pensions, de leurs affaires et de leur accès à l’éducation ? Pourquoi des lieux saints, des mausolées et des cimetières ont-ils été confisqués et démolis ? Tout ceci démontre bien une tentative concertée de destruction d’une communauté religieuse », a déclaré Mademoiselle Ala’i.
Autres accusations
Elle ajoute que les autres accusations sont également fallacieuses :
« Les accusations d’offense au caractère sacré de la religion se rapportent plutôt à la propre intolérance du gouvernement iranien envers les autres religions ou convictions plutôt qu’à un quelconque manque de respect imaginaire des bahá’ís envers l’Islam. Il est bien connu que les bahá’ís reconnaissent l’origine divine de l’Islam et acceptent Muhammad comme véritable prophète ».
« Quant à dire que les sept travaillaient contre le régime, cela n’a pas de sens. Ces gens étaient placés sous surveillance constante, ils ont été interrogés et déjà emprisonnés par le passé ».
« Le gouvernement sait très bien que les sept personnes, conformément aux principes de la foi bahá’íe, se sont abstenues de toute implication dans quelque activité politique partisane que ce soit, qu’elle soit locale, nationale ou internationale. Comme les autres bahá’ís, ils rejettent la violence et toute participation au renversement d’un gouvernement. La Maison universelle de justice, conseil directeur international de la communauté mondiale bahá’íe, a traité récemment de ce sujet dans un message adressé aux bahá’ís d’Iran ».
« Comme le gouvernement sait que de telles accusations sont fausses, il nous faut conclure qu’il s’agit là d’une étape supplémentaire de l’escalade que le gouvernement mène depuis des décennies avec ses mesures de répression contre les bahá’ís iraniens », a déclaré Mademoiselle Ala’i.
Bien que les communiqués de presse n’aient pas indiqué le nom des prévenus, les sept personnes arrêtées l’an dernier sont : Madame Fariba Kamalabadi, Monsieur Jamaloddin Khanjani, Monsieur Afif Naeimi, Monsieur Saeid Rezaie, Madame Mahvash Sabet, Monsieur Behrouz Tavakkoli et Monsieur Vahid Tizfahm.
Tous les membres du groupe, sauf un, ont été arrêtés le 14 mai 2008 à leur domicile de Téhéran. Quant à Madame Sabet, elle fut arrêtée le 5 mars 2008 lors d’un séjour à Mashhad.
Mademoiselle Ala’i a également précisé que pour l’instant quelque 30 autres bahá’ís sont en prison en Iran uniquement sur base de leur religion. Près de 80 bahá’ís supplémentaires ont été relâchés sous caution. Ils ont dû déposer titres de propriété et licences de commerce pour garantir leur caution. Ils attendent un jugement sur la base de ces mêmes accusations fallacieuses. Mademoiselle Ala’i ajoute qu’eux aussi sont innocents et qu’ils devraient être libérés.