Genève, publié le 13 juillet – Après la démolition des maisons appartenant aux bahá’ís vivant dans le village d’Ivel – information publiée la semaine dernière – une autre histoire doit être contée : celle de compatissants villageois désolés de l’injustice dont leurs voisins bahá’ís ont été les victimes.
Elle démontre également l’esprit de persévérance et d’adhésion vis-à-vis de l’engagement social qui permet aux bahá’ís de transcender leur longue persécution et d’être des participants actifs dans le développement social et économique de leur village.
Service et persécution
Dans le passé, Ivel constituait la résidence d’été d’éleveurs de moutons venus des régions voisines du Mazandaran. Des bahá’ís vivaient dans ce village depuis plus de cent cinquante ans. En effet, les bahá’ís composaient près de la moitié de la population d’Ivel depuis les années qui ont suivi l’établissement de leur Foi en Iran, à la moitié du dix-neuvième siècle. Ils y vivaient en harmonie avec leurs voisins musulmans.
Cependant, pour leur malheur, des éléments extérieurs hostiles à la foi bahá’íe cherchaient périodiquement à soulever la population locale contre la communauté bahá’íe et des persécutions intermittentes en résultaient.
Par exemple, en 1941, des vies furent mises en danger alors que des bandes venues de l’extérieur poussèrent des citoyens locaux à attaquer les bahá’ís. Ceux-ci furent arrêtés, certains sévèrement battus et extorqués ; leurs maisons et leurs propriétés furent pillées. Finalement, ils furent exilés dans un village à sept kilomètres de là. Quelques mois plus tard, alors que la situation était plus calme, ils purent regagner leurs maisons et leurs fermes.
Les extrémités que peuvent atteindre des personnes opposées aux bahá’ís sont probablement bien illustrées par un incident survenu au milieu des années ‘50, lorsqu’un membre de la société « Hojjatieh », nouvellement créée, arriva à Ivel. Il s’agit d’une organisation chiite semi-clandestine, fondée sur la conviction que la menace la plus immédiate pour l’islam était l’« hérésie » de la foi bahá’íe, laquelle devait être éliminée.
Lorsque cet individu échoua dans ses tentatives de mettre la zizanie entre les musulmans et les bahá’ís, il entreprit d’empêcher leurs vaches de brouter dans les mêmes pâturages prétendant que le bétail bahá’í était « impur ».
Pendant quelques jours, le bétail des bahá’ís demeura confiné dans les étables pendant que celui des musulmans allait brouter. Les bahá’ís saisirent plusieurs fois le chef du village de ce sujet, l’appelant à montrer de la compassion envers les animaux. Une décision selon laquelle les vaches devraient pénétrer dans le pâturage par des entrées opposées afin de respecter le décret en fut le résultat. Ceci ne concorda évidemment pas avec l’instinct animal et elles continuèrent à brouter ensemble.
Contribution au progrès social
Durant toutes ces années et malgré les efforts pour les réprimer, les bahá’ís ont activement contribué à l’amélioration de la vie dans leur village. En plus de leur rôle dans le domaine agricole, ils établirent une école dans laquelle les enfants du village étaient éduqués, indépendamment de leur religion. En 1946, lorsque le gouvernement iranien a commencé à organiser les écoles rurales et pris en charge l’école du village, l’école d’Ivel comportait six niveaux élémentaires et éduquait quelques 120 enfants d’Ivel et sept venus de villages avoisinants.
En 1961, un autre exemple de service à leur communauté : les bahá’ís établirent un bain public au bénéfice des villageois, incluant des modifications du réservoir local et des mesures de modernisation pour améliorer le niveau d’hygiène et de santé de la population.
Escalade des attaques
En 1979, suite à la révolution islamique, la situation des bahá’ís d’Ivel s’est détériorée. Des terres furent confisquées et les tentatives de réappropriation échouèrent. Les bahá’ís se virent refuser l’accès aux soins de santé et à d’autres institutions dont ils avaient eux-mêmes soutenu l’établissement. Les enfants musulmans furent encouragés par leur instituteur à frapper leurs condisciples bahá’ís. Lorsque les parents eurent protesté, les enseignants trouvèrent d’autres moyens de persécution des élèves bahá’ís, y compris de les recaler lors des examens.
En juin 1983, les bahá’ís furent obligés par la force de quitter leurs maisons et furent transportés par bus jusqu’à Sari, la ville la plus proche. Lors de leur arrivée, les autorités les renvoyèrent à Ivel où ils furent emprisonnés dans une mosquée. Plus de 130 d’entre eux, y compris enfants et personnes âgées, furent retenus pendant trois jours, sans boire ni manger. Cette pression ayant pour objectif de leur faire renier leur Foi ayant échoué, ils furent autorisés à rentrer chez eux. Cependant, la même nuit, ils furent attaqués par des villageois. Quelques-uns furent pris par la populace, d’autres blessés et nombre d’entre eux, obligés de se cacher dans la forêt voisine.
Depuis lors, de nombreux bahá’ís d’Ivel se sont installés non loin de là et retournaient uniquement l’été dans le village afin de planter et moissonner ainsi que prendre soin de leurs propriétés. Selon Natoli Derakhshan, bahá’í d’Ivel, interviewé récemment par la radio Farda, en langue persane : « Chaque fois ou chaque année, lorsqu’ils ont souhaité se rendre là-bas, ils ont dû obtenir un permis de l’Administration de la Justice qui les autorisait à séjourner dans leur maison pendant deux ou trois jours. »
Au cours des trois dernières années, la Communauté internationale bahá’íe a observé une augmentation des pressions sur les bahá’ís d’Ivel pour qu’ils quittent la région. « Leurs maisons vides ont été incendiées, des bahá’ís ont subis des attaques verbales ou physiques et le vieux cimetière bahá’í aménagé depuis une centaine d’années a été confisqué et vendu en vue d’une reconversion en zone résidentielle, explique Diane Ala’i, représentante de la Communauté internationale bahá’íe à Genève.
De nombreuses plaintes ont été déposées à tous les niveaux mais, en général, les bahá’ís ne rencontrent qu’indifférence. Les autorités prétendent qu’elles ne peuvent pas faire grand chose pour eux suite à l’opposition des résidents locaux, ajoute-t-elle. Chaque fois, les démolitions et les raisons qui les sous-tendent sont niées par les autorités gouvernementales.
Ce que nous voyons à Ivel et dans les régions proches du Mazandaran n’est qu’une partie d’une campagne d’humiliations et de découragement des bahá’ís afin de les empêcher de pratiquer leur foi de toutes les manières. Le gouvernement a démontré que s’il n’en est pas l’initiateur, il ne souhaite pas ou est incapable de l’arrêter. »
Ses dernières semaines, lorsque M. Derakhshan a entendu parler d’une destruction imminente des maisons bahá’íes du village, il est allé, avec d’autres bahá’ís, trouver des autorités différentes afin de pouvoir confirmer la vérité de la rumeur. « Ils nous ont dit de ne pas nous inquiéter et que cette intention n’existait pas. Nous les avons cru, » a-t-il expliqué à Radio Farda.
Nous ne savons pas et nous ne pouvons affirmer qu’elle a été ordonnée par quelqu’un. Tout ce que nous savons, c’est que, malheureusement, tout a été complètement détruit. »
Soutiens locaux et internationaux
De nombreux villageois d’Ivel sont profondément troublés par ces récents développements. Dans une interview accordée au site Rooz Online, M. Derakhshan a rendu hommage à ceux qui ont exprimé leur consternation et leur préoccupation face aux mauvais traitements infligés à leurs voisins bahá’ís : « Ces derniers jours, beaucoup de nos concitoyens musulmans se sont assis avec nous et se sont excusés, les larmes aux yeux, en nous tenant les mains ! Nous sommes reconnaissants envers eux tous. »
Les nouvelles d’Ivel ont également reçu une attention mondiale dans des médias internationaux et des services de nouvelles en ligne, notamment en langue persane.
Parmi les nouvelles en langue anglaise, Radio Free Europe/Radio Liberty a titré le 29 juin Baha’i Houses Demolished In Iran (Maisons baha’ies détruites en Iran). Le site disposait également d’une vidéo de l’incident obtenu par des activistes des droits de l’homme iraniens.
Également le 29 juin, la National Review Online a publié un article sous le titre « Le régime rase des maisons baha’ies en Iran ».
Une publication sur le site de la BBC intitulée Iran’s Bahai community fear rise in persecution (La communauté baha’ie d’Iran craint une augmentation des persécutions) débutait ainsi : « D’abord des images de poutres en feu. Puis apparaissent des bâtiments, certains sans fenêtres ni portes, d’autres réduits en gravats. Les images instables de téléphone mobile postées sur YouTube par des activistes iraniens, défenseurs des droits de l’homme, montrent des scènes de destruction filmées secrètement depuis une voiture … Les informations reçues de résidents d’Ivel indiquent que le 22 juin près de 50 maisons appartenant à des baha’is avaient été rasées ».
« Plusieurs de ces sites offraient à leurs lecteurs la possibilité de déposer un commentaire, indique Diane Ala’i. Après avoir souffert de tant de persécutions depuis si longtemps, nous sommes certains que les bahá’ís d’Ivel apprécient le soutien de personnes à travers le monde, y compris de nombreux citoyens iraniens qui ont pris le temps d’exprimer leur indignation face à ce dernier incident. »