Le climat actuel en Iran semble augurer une fois de plus de prochaines atteintes graves aux droits de l’homme. Cette situation alarme vivement les associations et organes de défense des droits de l’homme, s’agissant en particulier du sort de la communauté bahá’íe d’Iran, persécutée depuis maintenant 28 ans par le régime révolutionnaire.
_ Contexte et bref historique
_ Collecte d’informations
_ Campagne d’incitation à la haine contre les bahá’ís
_ Attaques contre les écoliers
_ Exclusion des universités
_ Privation de revenus
_ Arrestations et détentions arbitraires
_ Harcèlement et agressions physiques
_ Privation de la liberté de circulation
_ Privation de l’accès au procès équitable
_ Destruction de propriétés bahá’íes
_ Réactions de la communauté internationale
_ La société Hojjatieh
[#Contexte<-]Contexte et bref historique
Depuis la naissance en 1863 de la foi bahá’íe, les iraniens bahá’ís de tous âges subissent des persécutions dans le berceau de leur foi.
Depuis la révolution islamique en 1979, les persécutions sont devenues systématiques et disposent même d’un pseudo-fondement légal dans la Constitution iranienne.
En effet, si l’article 20 de la Constitution dispose que tous les citoyens sont titulaires des mêmes droits humains, politiques, économiques, sociaux et culturels, conformément à des critères islamiques, l’article 13 de la même Constitution ne reconnaît comme minorités religieuses que le Christianisme, le Judaïsme et le Zoroastrisme.
La plus grande minorité religieuse d’Iran (300 000 personnes) est purement et simplement privée de tout statut légal.
Ainsi, plus de 200 iraniens bahá’ís ont été tués, des centaines ont été emprisonnés, des milliers se sont vus confisquer leurs propriétés ou leurs commerces, ont été licenciés et/ou se sont vus priver de leurs retraites.
Depuis plus de 25 ans, les étudiants iraniens bahá’ís sont, de fait, privés d’études, aussi bien à l’université que dans les filières de l’enseignement professionnel.
Par ailleurs, tout est fait pour étrangler la communauté bahá’íe d’Iran et la maintenir dans un climat de peur.
A ce jour, des douzaines d’iraniens bahá’ís à travers tout l’Iran sont en liberté conditionnelle sous caution attendant leur procès pour des motifs fallacieux et parfois même sans savoir ce qui leur est reproché.
Ils ont auparavant été emprisonnés pour des périodes pouvant aller de quelques jours à plusieurs mois, parfois sans que la famille ne puisse identifier le lieu de leur détention.
Au début de l’année 2007, et en seulement deux mois, quelques 150 incidents impliquant des enfants iraniens bahá’ís à l’école ont été rapportés. Les enfants ont en général été humiliés devant leurs camarades, punis pour avoir essayé de répondre aux propos dénigrant leur foi.
A cela s’ajoute la profanation de cimetières bahá’ís qui continue encore récemment en juillet et septembre 2007, l’épuration culturelle par la destruction de lieux saints bahá’ís et, beaucoup plus inquiétant, une campagne systématique d’incitation à la haine envers les bahá’ís dans les médias, sur internet et par le biais de graffitis haineux taggés sur des propriétés bahá’íes.
Toutes ces pratiques ne sont que la mise en œuvre d’un mémorandum secret du 25 février 1991*1 rendu public par les Nations-Unies.
L’apparition récente en 2007 de documents officiels faisant explicitement référence à ce mémorandum confirme que ce dernier est toujours appliqué et constitue le fondement de la stratégie globale du gouvernement iranien à l’égard des bahá’ís.
[#Collecte<-]Collecte d’informations
Une lettre confidentielle datée du 29 octobre 2005* par laquelle le chef d’Etat major des armées ordonne à la police et aux gardiens de la révolution de « ficher » et « surveiller » tous les membres de la communauté bahá’íe d’Iran préoccupe particulièrement la Communauté Internationale Bahá’íe.
Cette lettre a été divulguée au printemps 2006 par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction, Asma Jahangir, qui se dit « extrêmement préoccupée » par son contenu.
« Une telle surveillance est une atteinte intolérable et inacceptable aux droits des membres des minorités religieuses », dit Madame Jahangir qui craint que les informations recueillies par le biais de cette surveillance ne soient utilisées pour renforcer la persécution et la discrimination dont font l’objet les iraniens bahá’ís. Dans une déclaration datée du 5 avril 2006, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) dit craindre que « le recensement et la surveillance des bahá’ís, associés à une propagande de haine dans la presse, ne conduisent à une discrimination accrue à leur égard et appelle les autorités iraniennes à respecter leurs engagements internationaux en matière des droits de l’homme ».
Fin octobre 2006, la Communauté internationale bahá’íe obtenait copie d’une autre lettre – datée du 19 août 2006* – par laquelle le Ministre de l’intérieur iranien ordonne aux administrations locales de renforcer leur surveillance des activités de la communauté bahá’íe.
Dans cette lettre, il est demandé aux administrations locales de remplir un questionnaire détaillé portant sur les activités locales des bahá’ís et notamment sur leur statut financier, leurs relations sociales et leur association avec des organisations étrangères. Cette lettre est la dernière en date d’une série de documents confirmant l’existence d’un effort national visant à identifier et surveiller les iraniens bahá’ís.
Les autorités iraniennes collectent des informations notamment par le biais du système éducatif. Ainsi, le Bureau de sécurité du Département de l’éducation de Shiraz a distribué un formulaire* à remplir par les élèves « appartenant à des minorités religieuses et à la perverse secte baha’iste. » Le formulaire exige des informations détaillées non seulement au sujet de l’élève et de ses parents, mais aussi au sujet des frères et sœurs de l’enfant. Dans la rubrique « Religion » sont listées quatre options : « Chrétien ; Juif ; Zoroastrien ; la secte perverse Baha’iste ».
Des tentatives ont aussi été faites d’obtenir des informations par des moyens détournés tels que des personnes se faisant passer pour des journalistes ou interrogeant des enfants jouant dans la rue.
Les iraniens bahá’ís identifiés par le Ministère de l’information sont sans cesse harcelés afin qu’ils révèlent des informations au sujet d’autres bahá’ís.
Par ailleurs, les interrogatoires de bahá’ís continuent. Ainsi, en février 2007, la police dans certains secteurs de Teheran, Bandar Abbas, Muhammadiyyih, Shirvan, and Kirmanshah, s’est rendue aux domiciles et lieux de travail de bahá’ís pour les interroger au sujet des membres de leur famille, de leurs occupation, de leur éducation, etc. parfois sous le prétexte de mener une étude. Les bahá’ís interrogés sur leur lieu de travail se sont vus demander leur permis de travail, s’ils sont propriétaires de leur affaire, le nombre d’employés et leurs relations.
En mai et juin 2007, de nombreux bahá’ís ont été convoqués pour des interrogatoires ou interrogés par téléphone par des officiels du Ministère de l’information ou par la police, notamment dans les localités de Babolsar, Bandar Abbas, Bandar Torkman, Bojourd, Gilavand, Damavand, Hamedan, Karaj, Lahijan, Shahinshar, Tehran, et Yaftabad. Les interrogatoires portaient essentiellement sur les activités de la communauté bahá’íe et sur les bahá’ís eux-même. Un rapport signale aussi qu’une banque à Jiruft dans la province de Fars a reçu l’instruction de produire une impression de tous les comptes détenus par des bahá’ís.
A titre d’exemple complémentaire, par une autre lettre du 2 mai 2006*, l’Union iranienne des constructeurs de batteries s’est vue demander de transmettre à la Société de Commerce, Production et de Services Techniques de Kermanshah une liste des membres de « la secte baha’ie. »
[#Campagne<-]Campagne d’incitation à la haine contre les bahá’ís
L’autre sujet de préoccupation est la récente série d’attaques dans la presse iranienne contre la foi bahá’íe. Depuis fin 2005, Kayhan, le quotidien officiel de Téhéran publie très régulièrement et jusqu’à aujourd’hui encore des articles négatifs et souvent diffamatoires sur les bahá’ís et leur religion. Ces articles visent clairement à éveiller chez les lecteurs des sentiments de suspicion, de méfiance et de haine à l’égard de la communauté bahá’íe.
Dans ces articles, l’histoire est délibérément falsifiée et les documents historiques utilisés sont des faux. Ils présentent de manière mensongère les bahá’ís comme des êtres immoraux dans le seul but de choquer la population.
Une nouvelle série d’articles anti-bahá’ís dans Kayhan a débuté le 20 juillet 2008.
Des journaux à Khorasan et Mazandaran ont également publié des articles diffamatoires au sujet des bahá’ís.
D’autres médias iraniens leurs ont emboité le pas et lancé des attaques contre les iraniens bahá’ís à la radio et la télévision. Internet et les nouvelles technologies sont aussi les vecteurs de campagnes diffamatoires à leur encontre.
Avant le début des précédentes campagnes de persécutions contre les iraniens bahá’ís, par exemple en 1955 et 1979, des articles et des émissions de radio tout aussi diffamatoires avaient été diffusés afin d’attiser la haine et les préjugés pour préparer la population à ce qui allait suivre.
Des pamphlets anti-bahá’ís ont aussi été distribués notamment à Shiraz, et plus particulièrement dans les écoles à Shahinshar, Ahvazk, et Babol Sar.
En 2007, dans plusieurs localités d’Iran, une douzaine de graffitis haineux avec des textes tels que « Mort aux bahá’ís, mercenaires de l’Amérique et de l’Angleterre », « Le Hezbollah méprise les bahá’ís », « Bahá’ís – mercenaires d’Israël » et « Les bahá’ís sont impurs » ont été trouvés sur des domiciles, des bureaux ou des cimetières bahá’ís.
[#Attaques<-]Attaques contre les écoliers
Les écoliers iraniens bahá’ís continuent à faire l’objet de harcèlement et d’autres formes de pression psychologique intense.
Par ailleurs, une campagne spécifique d’« éducation » des enseignants à été lancée à travers le pays. Cette « formation » a pour objectif de fournir aux enseignants des informations et des documents perpétuant les grossières déformations de l’histoire et des enseignements bahá’ís sur le modèle de celles couramment utilisées et actuellement diffusées par la propagande dans les médias de masse.
Le 23 avril 2007, un groupe d’enseignants de 14 provinces s’est rendu dans un centre d’études religieuses à Qom, dans le cadre de sa formation continue assurée par le Ministère de l’éducation. Lors de cette visite, ils assistèrent à une présentation de deux heures critiquant la foi babíe et la foi bahá’íe.
Les 14 et 15 mai 2007, des agences de presse iraniennes en ligne (Ayandeh Roushan et Rasa) ont publié un article* signalant la publication à Tabriz d’un ouvrage de 85 pages et un CD d’accompagnement proposant une « Introduction au Baha’isme » pour les enseignants. L’article fait allusion à des informations inexactes au sujet de la foi bahá’íe et de son histoire, comme par exemple le rôle prétendu du colonialisme britannique et russe dans le développement de la foi bahá’íe et sa relation actuelle avec Israël.
[#Exclusion<-]Exclusion des universités
Plus de 800 des 1 050 étudiants iraniens bahá’ís ayant passé l’examen d’entrée à l’université pour la rentrée 2007-2008, n’ont pas obtenu leurs résultats, prétendument au motif que leurs dossiers étaient « incomplets », malgré les importants efforts fait de leur part pour répondre à toutes les exigences du processus de candidature. Cette année encore, les étudiants iraniens bahá’ís seront, pour l’essentiel, privés d’études.
Au mois d’octobre 2006, pour la première fois depuis 26 ans, 264 étudiants iraniens bahá’ís ont été acceptés dans les universités iraniennes qui refusaient jusqu’à présent de leur ouvrir leurs portes.
Plus de 900 avaient participé aux examens, mais la grande majorité d’entre eux se sont vu opposer le fait que leur dossier était incomplet. En principe, un dossier incomplet aurait dû les empêcher de participer à l’examen lui-même.
Seuls 226 étudiants iraniens bahá’ís ont pu finalement s’inscrire, les autres n’ayant pu s’inscrire pour des raisons variées, notamment des raisons personnelles ou géographiques.
Précédemment, les pressions internationales avaient tout d’abord poussé le gouvernement à accepter de changer sa politique et de supprimer la case « religion » des formulaires d’inscription aux examens d’entrée à l’université.
Cependant, l’espoir a été de courte durée. A ce jour, 130 des 226 étudiants finalement inscrits ont été expulsés de leur université – ou exclus avant même de commencer leurs cours – dès lors que l’administration a pris connaissance de leur croyance religieuse.
De nombreux étudiants se sont vus confirmer oralement que la raison de leur expulsion était leur appartenance à la foi bahá’íe. Un étudiant exclu de l’Université de Gilan s’est même vu donné une confirmation écrite du fait que son expulsion était due à sa conviction religieuse.
Par ailleurs, la Communauté Internationale Bahá’íe a obtenu copie d’une lettre confidentielle de 2006* du Bureau central de sécurité du Ministère iranien de la science, de la recherche et de la technologie donnant instruction aux universités iraniennes de renvoyer tout étudiant qui se révèlerait être bahá’í, et cela, en application du Mémorandum secret du 25 février 1991* au sujet des bahá’ís auquel il est fait expressément référence.
Dans ce mémorandum secret de 1991 le Conseil culturel révolutionnaire suprême détaillait un « plan d’étranglement silencieux » de la communauté bahá’íe d’Iran. Le mémorandum précisait notamment que les jeunes bahá’ís doivent : « être expulsés des universités, soit lors des formalités d’inscription, soit en cours d’études, dès l’instant où il apparait qu’ils sont bahá’ís ».
A titre de rappel, ce nouveau contre coups fait suite à des espoirs déçus depuis 2004.
En effet, il y trois ans, les étudiants iraniens bahá’ís avaient accueilli avec espoir une décision historique des autorités iraniennes : la référence à l’appartenance religieuse serait désormais effacée des formulaires d’inscription aux examens d’entrée à l’université.
Mais l’espoir les quelques 1000 étudiants iraniens bahá’ís qui avaient réussi les examens d’entrée ont découvert avec stupeur qu’ils avaient été enregistrés d’office comme musulmans sur leurs bulletins de notes.
Tous refusèrent par principe cet état de fait, violation flagrante de la liberté religieuse garantie par de nombreuses conventions internationales. Aucun étudiant étudiants iraniens bahá’ís n’entra à l’université cette année là encore.
En 2005, une vague internationale de protestations du monde universitaire devait changer la donne. Le 7 novembre 2005, le comité des droits de l’homme de l’Académie française de physique, suivi le 16 novembre 2005 par le Comité de Défense des Hommes de Science (CODHOS) de l’Académie des Sciences de Paris, protestèrent auprès des autorités iraniennes contre cet état de fait.
Le Monde daté du 16 décembre 2005 publia un appel lancé par une quinzaine de scientifiques et d’intellectuels français en faveur des étudiants iraniens bahá’ís.
Cet appel fut repris à l’époque sous forme de pétition électronique sur son site Internet par la FIDH.
En conséquence, pour la première fois depuis plus de 25 ans, des étudiants iraniens bahá’ís purent entrer à l’université. Les protestations ont été efficaces, mais pas encore suffisantes pour résoudre définitivement ce problème qui a clairement un impact négatif sur la réputation de l’Iran.
[#Privation<-]Privation de revenus
Au cours des six derniers mois, les efforts continus destinés à priver les iraniens bahá’ís de leurs revenus se sont accélérés notamment par :
• le refus de délivrer ou de renouveler les licences professionnelles ;
• la fermeture d’affaires tenues par des iraniens bahá’ís ;
• des pressions contre les banques pour fermer les comptes de clients bahá’ís et leur refuser les demandes de prêt ;
• des instructions à des chaînes de magasins ou à des entités gouvernementales de ne pas se fournir auprès d’entreprises propriété de bahá’ís ;
• le refus de payer les retraites de bahá’ís dans le secteur privé dans certaines régions ;
• et des menaces à l’encontre d’employeurs privés les encourageant à ne pas employer des bahá’ís ou à les licencier.
Ainsi, par exemple, le 10 avril 2007, le PDG d’une société a été convoqué dans un bureau du Ministère de l’information à Sanandaj pour lui annoncer que sa société serait fermée à moins qu’il ne licencie un employé bahá’í.
A Sanandaj, le responsable d’un banque déclara que la banque avait reçu 14 demandes de prêts de bahá’ís qui furent toutes rejetés. Le personnel d’une banque de Sari indiqua aux bahá’ís demandant un prêt que : « Il nous a été demandé de ne pas accorder de prêts et autres services aux bahá’ís ».
A Hamadan, le propriétaire d’une épicerie tenue par sa famille depuis 48 ans essaya de faire transférer la licence à son nom après la mort de son père. Un officiel lui déclara que les bahá’ís ne se verraient plus accorder de licences pour des épiceries et ajouta: « Peu importe où vous irez, même aux Nations Unies, vous reviendrez toujours dans ce bureau où vous recevrez la même claire réponse. »
La Communauté internationale bahá’íe a aussi obtenu copie d’une lettre* refusant à un vétéran bahá’í le bénéfice de sa pension.
[#Arrestations<-]Arrestations et détentions arbitraires
Au cours des derniers mois, les autorités iraniennes ont continué à arrêter et emprisonner un grand nombre d’iraniens bahá’ís, puis à les relâcher. Ce procédé de harcèlement, destiné à instaurer un climat de peur, est une nouvelle forme de persécution de la communauté bahá’íe d’Iran.
A ce jour, plusieurs douzaines d’iraniens bahá’ís, arrêtés puis remis en liberté sous caution, attendent d’être jugés en première instance ou en appel.
Les cautions exigées sont élevées et représentent dans la plupart des cas des sommes importantes, des titres de propriété, ou d’autres formes de garanties personnelles. Dans presque tous les cas, les autorités s’approprient ces biens en l’absence de tout motif d’inculpation et sans que la date du jugement ne soit fixée.
Le 19 juin 2007, un rapport signalait qu’un homme âgé de 70 ans, disposant de peu de ressources, a été arrêté en avril 2007 à Kermanshah. Les autorités l’inculpèrent pour la possession de trois CDs bahá’ís. Il fut jugé le 23 avril 2007 et condamné pour « propagation du bahaisme et diffamation des purs Imans ». Son avocat ne se vit accorder que 10 minutes pour préparer sa défense. Alors que le jugement n’a pas encore été publié, le juge le condamna oralement à un an de prison, qu’il exécute actuellement, et à 70 coups de bâtons. Cette partie de la sentence n’a pas encore été exécutée.
Le 18 juin 2007, un homme de 34 ans a été arrêté dans un magasin de matériel informatique dans lequel il travaille à Tabriz et emmené au secret. Deux jours plus tard il put appeler sa famille pour les informer de ce qu’il était en vie. Un agent de sécurité de la police contacta des bahá’ís à Tabriz pour leur dire que les voisins de cet homme, membres des esquadrons de moralité Bisiji, avaient prétendu qu’il avait insulté l’Islam. Sa famille, qui parvint à lui rendre visite, rapporte qu’il a été soumit à un interrogatoire de deux jours. Il est toujours détenu.
Le 28 mai 2007, un homme et son épouse furent arrêtés à leur domicile à Abadeh près de Shiraz par des agents du Ministère de l’information. Les agents saisirent des livres, des vidéos de famille, des photographies, des CDs, des répertoires téléphoniques, des documents, un portable, un ordinateur, et des rapports de réunions d’un petit groupe ad hoc de bahá’ís qui coordonnent les affaires de la communauté locale. Le couple fut interrogé au sujet de leurs activités bahá’íes. L’épouse fut libérée au bout de huit heures, le mari fut transféré à Shiraz où il fut détenu jusqu’à 29 juin 2007 et libéré sous caution dans l’attente de son procès. Il est lui est reproché d’avoir enseigné la foi bahá’íe.
La dernière grande vague d’arrestations remonte au 19 mai 2006. A cette date, 54 personnes ont été arrêtées dans la ville de Shiraz, dont une majorité de jeunes engagés dans des activités humanitaires. C’est le plus grand nombre d’iraniens bahá’ís arrêtés en une seule fois depuis les années 1980. Les arrestations se sont produites dans une école au moment où des bahá’ís, ainsi que plusieurs autres bénévoles non bahá’ís, faisaient classe à des enfants défavorisés dans le cadre d’une activité communautaire animée par une organisation non gouvernementale locale. Le Conseil islamique de Shiraz leur avait donné l’autorisation écrite d’exercer cette activité.
Au même moment, les autorités perquisitionnaient six maisons bahá’íes à Shiraz, confisquant ordinateurs, livres et documents.
Au bout d’une semaine, la plupart des personnes arrêtées ont été relâchées en échange de cautions sous formes diverses. Les bénévoles non bahá’ís arrêtés le même jour ont tous été relâchés sans caution.
[#Harcelement<-]Harcèlement et agressions physiques
Des foyers bahá’ís continuent à recevoir des messages menaçants, des CD-ROM et tracts destinés à réfuter les principes bahá’ís. Dans certains cas, les messages ont même été adressés à tous les membres d’une famille sans considération de leur âge.
De nombreux iraniens bahá’ís ont reçus des SMS provocants sur leurs téléphones mobiles. Dans un premier temps, les messages les plus fréquemment reçus étaient :
• Etes-vous conscients que vous faites le jeu de l’Amérique qui vous utilise pour se préparer la voie ?
• Savez-vous que la « sagesse » recommandée pour enseigner votre foi revient en fait à tromper les autres ?
• Ceux qui répondront brutalement, nous les ignorerons, car cela témoigne de l’état d’esprit bahá’í. Ceux qui répondront poliment, nous les rencontrerons bientôt en personne.
La tonalité des messages est devenue de plus en plus menaçante. Les messages reçus plus récemment étaient notamment :
• Enseignant bahá’í = Infanterie étrangère
• Savez-vous que votre coopération avec l’Amérique a pour conséquence que les musulmans vous haïssent et se vengeront sur vous ?
• Savez-vous qu’en coopérant avec l’Amérique, vous attisez la haine des musulmans à votre égard et qu’ils se vengeront des vous ?
À plusieurs reprises, des iraniens bahá’ís interrogés par des représentants du gouvernement se sont vus demander pourquoi ils ne quittaient pas simplement le pays.
Les individus souhaitant participer à des activités bahá’íes ont été interrogés, insultés et menacés.
Des conscrits bahá’ís ont été harcelés.
Enfin, il est particulièrement inquiétant de relever l’assassinat, par des assaillants non identifiés, de deux dames bahá’íes âgées à la fin de l’hiver 2007.
Le 16 février 2007, Saltanat Akhzari, 85 ans, habitant Abbas Abad, dépendant de Abadeh à Shiraz, a été tuée à son domicile. Le lendemain, Shah Beygom Dehghani, une bahá’íe de 77 ans, a été attaquée par un intrus masqué à son domicile de Mohammadiyyeh, dans la province de Isfahan. Madame Dehghani décéda le 7 mars 2007. Les deux femmes n’avaient aucun lien de parenté.
Les deux victimes, des femmes âgées, étaient seules au moment des attaques qui ont eut lieu à leurs domiciles dans de petites villes, et chacune a été brutalement assaillie. Le corps de Madame Akhzari a été retrouvé avec les mains et les pieds liés, et bâillonnée. Madame Dehghani a été traînée hors de sa maison au milieu de la nuit et sauvagement attaquée avec un râteau.
Les motivations de ces attaques demeurent inconnues, mais la similarité entre ces deux meurtres est alarmante.
[#Privationliberte<-]Privation de la liberté de circulation
Malgré le fait que dans les dernières années, quelques bahá’ís aient pu obtenir des passeports, sortir et entrer à nouveau en Iran relativement aisément, récemment des bahá’ís se sont vu confisquer leurs passeports à l’occasion d’une tentative de voyager hors d’Iran. Par ailleurs, des croyants impliqués dans la coordination sur une base ad hoc des activités communautaires ont été inscrits sur des listes les interdisant de vol (« no-fly lists »).
Par exemple, toute une famille bahá’íe s’est vue confisquer les passeports à l’aéroport à destination du Koweit. L’officier leur a déclaré : « Vous [les bahá’ís] êtes tous des espions, et nous ne vous laisserons pas partir à l’étranger [pour mener] vos activités d’espionnage. Nous prendrons des mesures pour vous arrêter. »
[#Privationacces<-]Privation de tout procès équitable
Les iraniens bahá’ís continuent à faire l’objet de discriminations dans le système judiciaire.
Le 8 mai 2007*, la Cour d’appel de la province de Mazandaran refusa l’appel de trois femmes et d’un homme arrêtés en 2005 à Ghaem Shahr et inculpés de « propagation pour le compte d’une organisation anti-islamique ». Un recours a été intenté devant la Cour suprême. Tous ont été libéré sous caution.
En février 2007, déjà, la Cour de Justice Publique de Falard a décidé dans un jugement* de rejeter une requête au motif de « l’appartenance des requérants à la secte baha’iste. »
De même, le 25 avril 2007, la Cour Islamique Révolutionnaire de Sari condamna un bahá’í à un an d’emprisonnement et quatre ans d’exil dans la ville de Bijar. Il fut condamné pour « des activités d’enseignement contre le système de la République Islamique d’Iran pour le bénéfice de groupes ou d’organisations variées opposantes au système. »
[#Desctruction<-]Destruction de propriétés bahá’íes
Des cimetières bahá’ís ont encore été vandalisés dans les six derniers mois, et plus particulièrement en juillet et entre le 9 et 10 septembre 2007 dans les villes de Yazd et Najafābād respectivement.
[#Reactions<-]Réactions de la communauté internationale
Dans une réponse à la question d’un parlementaire européen, le Conseil a déclaré le 29 mai 2007 : « Le Conseil déplore la détérioration de la situation des droits de l’homme en Iran et n’a eu de cesse d’évoquer la question de la discrimination à l’encontre des minorités en Iran, y compris les bahaïs, dans ses contacts directs avec les autorités de ce pays, dans ses déclarations publiques et dans le cadre de l’ONU. L’an dernier, l’UE a coparrainé la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU concernant la situation des droits de l’homme en Iran, qui invitait notamment ce pays à éliminer, en droit et en pratique, toutes les formes de discrimination à l’encontre de personnes appartenant à des minorités, y compris la communauté bahaïe, de veiller à ce que les minorités aient le même accès à l’enseignement supérieur que tous les Iraniens, et de traiter ouvertement de ces questions avec la pleine participation des minorités elles-mêmes […] L’UE reste attachée au dialogue et continuera à évoquer des affaires urgentes en matière de droits de l’homme, notamment la situation des bahaïs, dans ses contacts avec les autorités iraniennes. Les problèmes concernant les droits de l’homme restent au centre de l’attention dans les relations de l’UE avec l’Iran. »
Dans une résolution en date du 25 octobre 2007, le Parlement européen souligne « que les membres de la communauté religieuse des Baha’is ne peuvent pratiquer leur foi, qu’ils sont fortement persécutés et privés presque tous leurs droits civils (par exemple le droit à la propriété et l’accès à l’enseignement supérieur) et que leurs sites religieux sont vandalisés. »
Le Parlement :
• « demande aux autorités de respecter les garanties juridiques
internationalement reconnues en ce qui concerne les membres de
minorités religieuses, qu’elles soient ou non officiellement reconnues;
• condamne les atteintes actuelles aux droits des minorités et demande que ces dernières puissent exercer l’ensemble des droits reconnus par la Constitution iranienne et le droit international;
• invite également les autorités à supprimer toute forme de discrimination pour des motifs religieux ou ethniques ou visant des membres de minorités comme les Kurdes, les Azéris, les Arabes, les Baloutchis et les Baha’is;
• demande notamment que soit levée l’interdiction de fait qui frappe la pratique de la foi baha’ie. »
En France, le Ministre des affaires étrangères a reçu depuis l’été 2006 des questions écrites de la part de plusieurs députés et sénateurs sur la situation des iraniens bahá’ís. En réponse, le Ministre souligne la grande préoccupation des « autorités françaises [quant à] l’attitude des autorités iraniennes à l’égard des Iraniens de confession bahaïe ».
De même, l’Assemblée générale des Nations Unies a, dans sa résolution du 18 décembre 2007, souligne les « attaques lancées contre les bahais et leur religion dans les médias contrôlés par l’Etat, [les] preuves de plus en plus nombreuses de l’action que mène l’Etat pour identifier et surveiller les bahais, [les] mesures prises pour empêcher les membres de la confession bahaie de faire des études universitaires et de subvenir à leurs besoins économiques, et [la] multiplication des cas d’arrestation et de détention arbitraires. »
Cette résolution a été adoptée par 73 voix pour, 53 contre, et 55 abstentions.
Dans une déclaration du 28 mars 2006, le porte-parole du Président des Etats-Unis exprime la solidarité du gouvernement américain avec les préoccupations de Madame Jahangir.
« Nous demandons instamment au régime iranien de respecter la liberté de religion de toutes ses minorités et de veiller à ce que celles-ci jouissent de la liberté de pratiquer leur religion sans discrimination et sans crainte », a déclaré Scott McClellan, l’attaché de presse de la Maison Blanche. « Nous continuerons à surveiller la situation des bahá’ís d’Iran de très près, et à exprimer notre désapprobation lorsque leurs droits seront bafoués. » En Inde, le député Karan Singh a écrit une lettre au Premier ministre Manmohan Singh pour attirer son attention sur la déclaration du Rapporteur spécial et l’enjoindre « de prendre cette affaire en mains » avec les autorités iraniennes.
Au Canada, le lieutenant-général Dallaire, ancien commandant de la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda a déclaré qu’« un tel inventaire de citoyens basé sur leurs croyances religieuses ou leur origine est le premier pas abject vers des violences systématiques et des crimes contre l’humanité ».
« Mon expérience au Rwanda et dans d’autres conflits me fait dire que le monde devrait être particulièrement attentif dès lors que les médias d’un pays commencent à répandre une propagande haineuse contre un groupe particulier », a ajouté Roméo Dallaire, aujourd’hui sénateur.
« Même avant la divulgation de la lettre du 29 octobre 2005, tout indiquait que la communauté bahá’íe était de plus en plus surveillée par le gouvernement », dit Bani Dugal.
[#Societe<-]La société Hojjatieh
La réapparition et l’influence croissante de la société Hojjatieh dans les plus hautes sphères du gouvernement iranien est un autre sujet de grave préoccupation.
La société a été fondée en 1953 par un mollah shiite pour lutter spécifiquement contre la foi bahá’íe. Pendant la révolution de 1979, elle a contribué à attiser la haine contre les bahá’ís. Dès les premières années de la révolution, plus de 200 bahá’ís ont été tués, des centaines ont été emprisonnés et des milliers d’autres ont perdu leur emploi et leur retraite. L’accès à l’enseignement supérieur a par ailleurs été nié aux bahá’ís.
Au début des années 1980, la société Hojjatieh est tombée en disgrâce et a été dissoute en 1984, en partie en raison de querelles théologiques. L’un des points de friction étant par exemple que la société estime qu’un Etat véritablement islamique ne peut être instauré avant le retour du 12ème Imam, personnage prophétique du 9ème siècle dont de nombreux shiites attendent le retour comme dernier sauveur de l’humanité.
Au cours de la dernière année, la société Hojjatieh a fait sa réapparition, en tant que faction influente. Certaines agences de presse, dont Reuters, l’ont dite liée aux plus hauts niveaux de l’administration iranienne. Selon des observateurs extérieurs, cette réapparition correspond au retour de la ligne dure au sein du gouvernement, dont le président Ahmadinejad, qui a souvent répété qu’il attendait le retour prochain du 12ème Imam.
Tous les documents mentionnés avec une étoile (*) dans ce résumé se trouvent dans la section Documentation. ↩