New York, publié le novembre 2010 – Malgré l’existence de preuves convaincantes prouvant leur innocence, trois bahá’ís iraniens entament aujourd’hui leur quatrième année d’emprisonnement.
Les deux femmes, Haleh Rouhi et Raha Sabet, et un homme Sasan Taqva ont été arrêtés en mai 2006 en même temps que 51 autres bahá’ís et un certain nombre de leurs amis de confession musulmane. Cette arrestation faisait suite à leur participation à un programme d’éducation en faveur d’enfants défavorisés organisé dans la ville de Chiraz et ses environs.
Alors que leurs 10 collaborateurs musulmans et un bahá’í présentant des difficultés d’apprentissage ont été immédiatement libérés, le groupe de bahá’ís a été accusé d’« enseignement indirect de la foi bahá’íe ». Mme Rouhi, Mme Sabet et M. Taqva ont été condamnés à quatre ans d’emprisonnement. La sentence pour les 50 autres bahá’ís se résuma à une année de prison avec sursis, à condition de suivre les classes islamiques.
On suppose qu’aujourd’hui, après trois années dans un centre de détention provisoire, ils sont encore et toujours emprisonnés dans des conditions très éprouvantes.
« Selon la loi iranienne, le ministère du Renseignement ne peut emprisonner des citoyens dans de tels centres, il ne peut les retenir que pour interrogatoire, explique Bani Dugal, la principale représentante de la Communauté internationale bahá’íe aux Nations unies. Nous pensons que les conditions de cet emprisonnement de longue durée dont souffrent ces trois personnes sont totalement inacceptables. »
« Leur procès et leur détention violent aussi bien la loi iranienne qu’internationale, précise-t-elle. Chaque élément de preuve – y compris un rapport établi à la demande des autorités iraniennes – a démontré leur innocence. »
Les autorités ont refusé de tenir compte des conclusions de ces enquêteurs. Lorsque le rapport a été rendu public, ils ont produit un autre compte rendu rejetant les conclusions du rapport original.
« Le gouvernement iranien a totalement manqué à son devoir en ne relevant pas cette erreur judiciaire flagrante, ajoute Bani Dugal. Il s’agit d’un nouveau cas de persécution religieuse, purement et simplement.
« Pour quelle autre raison trois individus, dont le « crime » principal a été leur engagement dans des projets humanitaires ayant pour objectif d’aider leurs concitoyens, pourraient-ils être retenus de cette manière ? »
Emprisonnés pour avoir aidés les pauvres
L’idée de travailler précisément avec les jeunes de Chiraz a débuté dans un groupe d’études organisé par Mme Sabet qui avait été impliquée dans des projets d’assistance après le tremblement de terre de 2003.
Initialement, elle a travaillé, ainsi que ses amis, à Katsbas, un faubourg qui connaissait des problèmes de drogues et de criminalité. Là, le groupe s’est occupé d’enfants préparant leurs examens de fin d’année. Avec le plein accord des parents, le projet s’est développé en incluant des formations orientées vers le développement social et les valeurs morales.
À Katsbas, le projet s’est développé et a formé plus de 200 enfants ; le groupe, fort de ce succès, a reçu l’autorisation du conseil municipal de poursuivre ses actions. Un autre projet, également animé conjointement par des bahá’ís et des musulmans, a été créé à Sahlabad. Une initiative ultérieure – prise en charge par 14 animateurs – a rassemblé 100 jeunes dans un établissement d’enseignement.
Le groupe a également organisé des classes d’art hebdomadaire pour des jeunes atteints du cancer – une activité accueillie avec enthousiasme par le directeur d’un hôpital de la région. De plus, des visites régulières ont aussi été organisées dans des orphelinats et des établissements pour enfants handicapés
Arrestation et condamnation
Le 19 mai 2006, la police a arrêté, en même temps, les animateurs et les responsables des projets dans six localités.
Après la libération de leurs collègues musulmans, le reste des bahá’ís a été relâché au cours des jours et des semaines qui ont suivi. Sauf Mme Rouhi, Mme Sabet et M. Taqva qui ont été détenus pendant près d’un mois.
Un procès bref et formel s’est tenu après plus d’un an. Les bahá’ís ont été accusés, parmi d’autres éléments, « d’enseignement indirect de la foi bahá’íe » – accusation basée sur l’utilisation d’un ouvrage éducatif appelé Brises de confirmation. Le texte ne fait cependant pas référence à la foi bahá’íe ; il propose seulement des leçons de morale à travers une série d’histoires. Malgré l’approbation de la Commission culturelle de la ville concernant l’utilisation de ce livre, le verdict a déclaré que la demande d’autorisation avait été obtenue par tromperie.
« Les accusations portées contre eux sont infondées et inacceptables dans le cadre de l’Article 18 de la Convention internationale concernant les Droits civils et politiques, traité international que l’Iran a ratifié et qui protège les droits de faire état de sa croyance sous la forme d’un culte, d’une célébration, de pratiques et d’enseignement, explique Bani Dugal.
« Tout d’abord, il est clair que leurs activités sont de nature purement humanitaire. Ensuite, la cour même reconnaît que le texte utilisé ne fait aucune référence explicite à la foi bahá’íe. Certains de leurs collègues musulmans affirment même qu’ils ignoraient l’appartenance à la foi bahá’íe des autres animateurs ou qu’un quelconque « enseignement » avait eu lieu. »
« En raison de leur jeune âge, la plupart des bahá’ís ont été condamnés à une peine d’un an avec sursis, assortie de l’obligation de participer à des cours établis par l’Organisation de la propagande islamique. Durant ces classes, les convictions et l’histoire bahá’íes sont tournées en ridicule, insultées et dénaturées.
Mais Mme Sabet, Mme Rouhi et M. Taqva ont été condamnés à quatre ans d’emprisonnement : trois ans « pour organisation de groupes illégaux » et un an « pour enseignement dispensé au profit de groupes opposés au régime islamique ».
Centre de détention provisoire
Le 19 novembre 2007, Mme Sabet, Mme Rouhi et M. Taqva ont été appelés à se rendre dans les bureaux du ministère du Renseignement pour, apparemment, retirer des objets qui avaient été saisis précédemment. Cela s’est avéré être une ruse. Dès leur arrivée, ils ont été immédiatement enfermés dans des cellules de détention provisoire.
Trois ans plus tard, on pense qu’ils continuent à être détenus dans les mêmes conditions. M. Taqva a été enfermé seul pendant tout ce temps dans une cellule de confinement. Les deux femmes ont d’abord été incarcérées ensemble dans une autre petite cellule, utilisée normalement pour des détentions de courte durée. Aujourd’hui, ils sont séparés les uns des autres. Ils n’ont ni fenêtre, ni lit, ni chaise et des matelas leur ont été distribués depuis très peu de temps. On sait que tous les trois souffrent de maux de dos chroniques.
De temps en temps, on leur a accordé des « libertés provisoires », avec l’obligation de toujours retourner au centre de détention afin d’y purger leur peine de quatre ans.
Pendant la majeure partie de son emprisonnement, M. Taqva a souffert de douleurs sévères provenant d’une blessure à la jambe provoquée autrefois par un accident de voiture, ainsi que d’une sciatique et de faiblesse musculaire causée par l’absence de tout équipement élémentaire. Bien qu’il ait été brièvement libéré à deux reprises pour être opéré, il a été privé la plupart du temps de tous soins médicaux appropriés. Quotidiennement, l’exercice et l’accès à l’air frais sont limités à 30 minutes, non pas à l’extérieur mais dans une pièce sans toit. Chaque fois qu’il quitte sa cellule, on lui bande les yeux.
« La détention permanente de M. Taqva et de ses deux collègues est une violation des standards internationaux et des normes légales, explique Bani Dugal. Selon la loi iranienne, les personnes accusées de crime ont le droit d’être incarcérées dans une prison conçue pour les internements de longue durée où l’accès aux soins médicaux appropriés, à la nourriture et à l’hygiène est prévu. La détention prolongée de ces trois innocents dans des cellules destinées à des séjours de courte durée viole non seulement la simple décence mais la loi internationale. »
Rapport confidentiel ignoré
En juin 2008, Vali Rustami, inspecteur et conseiller juridique auprès du Bureau du représentant du chef suprême d’Iran pour la province de Fars, a soumis un rapport confidentiel, rédigé à la demande du représentant du chef suprême iranien dans la province.
M. Rustami a confirmé que non seulement la religion n’avait jamais été mentionnée au cours des activités organisées par les prisonniers, mais que les jeunes gens qui fréquentaient les classes lui avaient exprimé le souhait de les poursuivre. « Nous … avons vraiment appris beaucoup de ce groupe et nous aimerions bien qu’il revienne s’occuper de nous », propos que l’inspecteur a consignés dans son rapport.
Quand son rapport a été rendu public, il avait été rédigé une autre version.
« Loin de causer un tort quelconque à leur société, il est évident que les trois bahá’ís essayaient de servir au mieux la communauté, affirme Dani Dugal. En gagnant la gratitude de ceux qu’ils formaient, les bahá’ís ont provoqué la colère du gouvernement. Seules l’animosité effrénée et la haine peuvent être au cœur d’une telle perversion de la justice comme elle apparaît dans ce cas. »
« Après trois ans d’emprisonnement, le refus des autorités de mettre fin immédiatement au traitement cruel infligé à ces personnes défie la raison. Nous continuons à faire appel à la communauté internationale pour qu’elle fasse entendre sa voix en leur faveur – ainsi qu’en faveur des sept dirigeants bahá’ís emprisonnés et aussi des centaines d’autres personnes en Iran, privées aujourd’hui de leurs droits humains. »