MANAMA, Bahreïn, publié le 18 juin 2014 – Partout dans le monde arabe, un nouveau débat sur la façon de vivre pacifiquement côte à côte avec les adeptes de toutes les religions a commencé à prendre forme.
Ce discours est inspiré en partie par l’appel marquant d’un ayatollah iranien pour la coexistence religieuse avec les bahá’ís, mais a depuis acquis une vie propre, devenant une discussion sincère sur la situation de la liberté religieuse dans les pays arabes.
« L’homme a été créé « libre » et, du point de vue islamique, la « liberté » n’est pas un simple droit, mais plutôt un droit garanti par la loi », a écrit ‘Abdu’l-Hamid Al-Ansari, un expert en droit islamique au Qatar, s’exprimant dans le journal koweïtien Aljarida, le 26 mai.
« L’islam accorde « la liberté religieuse » à ceux qui sont en désaccord avec elle dans la croyance et le culte [comme indiqué dans le Coran] : « À chacun de vous nous avons assigné une législation et un système. »
« Donc, que restera-t-il de la signification de la « liberté » si nous empêchons les adeptes des autres religions de pratiquer leurs religions ? », a écrit M. Al-Ansari, ancien doyen des Études et du droit islamiques à l’université du Qatar.
Le professeur Suheil Bushrui, une autorité sur les questions religieuses et interreligieuses dans le monde arabe, a déclaré que la région « est une zone où il y a, sans aucun doute, de très grandes forces de fanatisme, mais en même temps il y a une ouverture d’esprit et un désir extrême de créer une nouvelle façon de penser.
Le fait que la violence n’est pas ce que la religion enseigne fait partie de cette nouvelle façon de penser, et il y a un débat en constante évolution qui souligne que la liberté de culte et la liberté de religion sont garanties par le Coran lui-même », a déclaré M. Bushrui, qui est directeur du George and Lisa Zakhem Kahlil Gibran Research and Studies Project (Projet George et Lisa Zakhem Khalil Gibran pour la recherche et l’étude) à l’université du Maryland.
« Ce débat se traduit par un nombre croissant d’articles de presse et de commentaires sur le thème de la coexistence religieuse qui ont été publiés ces dernières semaines dans le monde arabe.
Un certain nombre de commentateurs arabes ont indiqué qu’ils ont été inspirés par les actions de l’ayatollah Abdol-Hamid Masoumi-Tehrani, un membre du clergé iranien qui a récemment réalisé une calligraphie de versets sacrés bahá’ís et l’a envoyée en cadeau aux bahá’ís du monde, accompagnée d’une déclaration sur la nécessité de la coexistence avec les bahá’ís qui font face à la persécution intense en Iran.
À Bahreïn, Es’haq Al-Sheikh, un journaliste respecté, a publié un commentaire dans le journal Alayam expliquant que ce cadeau calligraphique de l’ayatollah Tehrani propose un nouveau regard sur la nécessité d’une action audacieuse pour promouvoir le principe de la coexistence religieuse dans toute la région.
« L’appel de ce religieux iranien crée une véritable invitation à un esprit de coexistence religieuse pacifique et stable, bien établie dans la tolérance entre toutes les religions », a écrit M. Al-Cheikh le 21 avril, dans un article intitulé Allow for the Baha’i Faith amongst us (Accorder une place parmi nous à la foi bahá’íe).
« C’est un appel béni qui doit faire son chemin vers le Golfe, la péninsule arabique et tous les pays arabes, pour donner aux bahá’ís leurs droits de pratiquer leur religion, et pour ces pays de renforcer leur propre concept de la citoyenneté par la justice et l’égalité entre toutes les religions et les croyances dans nos sociétés arabes », a écrit M. Al-Sheikh.
Clovis Maksoud, ancien ambassadeur de la Ligue des États arabes auprès de l’Organisation des Nations unies et auteur de renom, chercheur et enseignant, a déclaré : « Il ne fait aucun doute qu’il y a en ce moment une tendance parmi toutes les religions à l’encontre du dogmatisme et de l’intransigeance. » M. Maksoud a ajouté : « Il s’agit d’une découverte de ce qui est commun entre les religions bien davantage que de ce qui les distingue les unes des autres.
« Et ce que l’ayatollah a fait, et le cadeau qu’il a donné à la communauté bahá’íe, est un témoignage [de cela] d’une manière très subtile. Et il ne s’applique pas seulement à ce qui est arrivé aux bahá’ís, mais aussi à ce qui se passe dans de nombreuses situations entre chiites et sunnites, entre chrétiens et musulmans », a déclaré M. Maksoud dans une interview.
Il a encore précisé qu’il est nécessaire d’aller au-delà de l’idée de la simple tolérance ou même de la coexistence. « Je veux faire partie du processus de coopération pour voir ce qui unit et ce qui est différent. Je veux apprécier la diversité en tant qu’exercice de l’intégration et de la pratique spirituelles. »
Mahmoud Chreih, auteur renommé, érudit au Liban et éditeur, a également déclaré que le nouveau message de coexistence est clairement cautionné dans le Coran et dans d’autres textes islamiques.
« Le Coran est clair – les versets au sujet de la tolérance sont clairs – il n’y a donc pas de problème avec le texte de l’islam, a déclaré M. Chreih. Le problème est dans son application. »
Par conséquent, a-t-il précisé, le message de l’ayatollah Tehrani et d’autres personnes est bien accueilli dans toute la région.
En Irak, l’un des religieux chiites les plus hauts placés, l’ayatollah Seyed Hossein Sadr, a récemment donné une longue interview exposant brièvement une vision similaire de la coexistence religieuse et de la liberté de croyance.
« Je ne crois pas à la dichotomie dans le message de Dieu, tout comme je ne souscris pas à la dichotomie ou au conflit entre Dieu et l’humanité », a déclaré l’ayatollah Sadr le 14 mai dans une interview publiée par Din Online.
« Je crois qu’une telle présomption découle de la compréhension erronée par des fanatiques religieux et des radicaux… La religion ne doit pas être utilisée pour opprimer l’homme, ni pour l’assujettir, ou causer une pression ou une contrainte ; la religion est destinée à guider l’humanité vers une vie plus noble et à insuffler des sentiments de joie et de bonheur, à donner un sens et des valeurs à la vie », a précisé l’ayatollah Sadr.
L’ayatollah Sadr a également été interrogé sur une récente déclaration qu’il a faite dans laquelle il a exhorté les musulmans à avoir des relations cordiales avec les bahá’ís. « Il se pourrait que je ne sois pas d’accord avec les adeptes d’une certaine religion, mais cela ne veut pas dire que je peux les priver de leurs droits naturels de l’homme, a-t-il expliqué. La religion nous a ordonné de traiter les autres avec équité et justice, même nos ennemis. Ainsi que Dieu l’a dit : « L’animosité collective ne doit pas vous faire cesser d’être juste ! Vous devez observer l’impartialité et la justice, et c’est ce qui est le plus proche de la piété. »
Ahlam Akram, une célèbre militante arabe pour la paix, a écrit le 24 avril dans Elaph : « Chose étonnante, et peut-être signe d’espoir, un certain nombre d’ecclésiastiques musulmans ont adopté une nouvelle compréhension des enseignements et des principes de l’islam, une compréhension qui mène à une attitude positive basée sur l’esprit de la religion et qui estime que le saint Coran encourage la coexistence entre les religions ; en fait il y est favorable. »