Ce texte n’engage que son auteur et ne représente pas une position officielle des bahá’ís de France
Alors l’enfant dit à son père :
– Dit papa pourquoi ?
Les yeux baignés de larmes, le père regarda son fils, si petit, et pourtant, déjà si touché par la violence de ce monde ! Comment lui dire qu’elle ne reviendra jamais, cette dame qu’il aimait tant ? Cette simple jeune fille, aimable et attentionnée ?
Il regarda le ciel, ce grand ciel bleu qu’elle aimait tant, ce ciel qui la faisait rire, combien il aurait aimé lui aussi qu’elle soit là…il se rappela alors il y a un an, quand elle était arrivée en face de chez lui :
« C’était une sombre après midi de novembre, le ciel était gris. On sonna à la porte, j’ouvris. Elle me souris et me dit gentiment :
« Bonjour, je suis la locataire de l’appartement en face du votre,je venais pour vous offrir cette plante,elle me tendit un petit cactus, voilà, j’espère que nous nous entendrons bien ! Si vous avez besoins de quelque chose n’hésitez pas ! Au revoir ! »
Je n’eus pas le temps de dire un mot, elle était déjà repartie. Jamais depuis dix ans que j’habitais ici, un locataire de cet appartement n’était venu me dire quoi que ce soit, ni bonjour, ni au revoir.
Les jours passèrent, et on sympathisa, elle m’aidait : quand je ne pouvais pas garder mon fils, elle le faisait pour moi, elle l’amené a l’école, moi je l’aidais pour ses cours. Elle mangeait souvent chez nous, et nous parlait de sa famille. Elle avait deux grands frères et une petite sœur. Elle avait dû les quitter pour venir étudier ici…
Elle n’était pas ce genre de jeune fille superficielle et préoccupée par l’alcool. Elle comprenait des choses que j’avais mis des années a comprendre, elle disait que pour instaurer la paix il fallait que tout le monde s’accepte, que peu importe notre couleur, peu importe notre passé, il fallait juste se servir de son cœur, ne pas juger.
Elle disait qu’il fallait toujours regarder les qualités des autres, et non leurs défauts, que nous devions aimez … Qu’il fallait s’abreuver à la source de vérité et non celle des mensonges, qu’il fallait goûter aux fruits de la spiritualité pour ne pas mourir empoisonnés des fruits du matérialisme.
Tout le monde l’aimait dans l’immeuble, bien qu’il y est toujours des mauvaises langues pour redire au fait qu’elle ne portait pas le voile, qu’elle ne semblait pas pratiquer l’Islam.
Moi il y a quelque temps cela m’aurait dérangé mais à présent qu’elle m’avait dit tout ça je ne voyais pas ce qu’il y avait de mal à ce que l’on n’ait pas la même religion. Nous ne parlions que très rarement de religions, quand un jour comme les autres ou nous étions en train de boire un thé elle me dit :
« Je suis baha’ie ».
Au début, automatiquement j’ai pensé a tout ce qui se disait sur les « baha’is », toutes les histoires selon lesquelles il serait des buveurs de sang, ou des malfaiteurs, ou encore des gens à éviter…puis je l’ai regardé, j’ai repensé a tout ce qu’elle m’avait dit :
« Juger est si facile, tandis que connaitre est beaucoup plus délicat », alors j’ai oublié toutes ces histoires qui à présent semblait fadaises, ces histoires sans fondement ni preuve, et je lui ai demandé :
« Qu’est ce ? »
Elle m’expliqua tout, que Baha’u’lah était le fondateur…que c’était une religion dont le but était d’unir les nations du monde dans une seule et même cause…
Cela ne changea rien à l’amitié qui nous unissait. Les jours passèrent…
Quand neuf mois après, un jour comme un autre, à 3 heures du matin j’entendis une voiture se garer un bas de l’immeuble, au début je ne me suis pas alarmé pensant que ce devait être de jeunes fêtards de retour du fête bien arrosé.
Des pas dans l’escalier…Puis ils tapèrent à la porte en face de la mienne, où elle habitait…à cette heure là elle devait être en train de dormir et cela m’étonnerais que ces gens soit ses amis…
Inquiet je me suis levé et je suis sorti, pensant que ce devait être effectivement une bande de fêtard qui revenait d’une fête trop arrosée!
Mais quelle ne fut pas ma surprise quand en ouvrant ma porte je découvris la police qui sonnait rageusement à la porte en face de la mienne ! Ne sachant que faire je dit :
– « Bonsoir, que ce passe-t-il ? »
– « Cela vous regarde pas, répondit sans entrain un des policier, rentrez chez vous, nous on n’est la pour faire régner la loi ! »
– « Je ne pense pas que la jeune fille chez qui vous sonnez ait violée la loi, ni qu’elle ai fait quelque chose de mal ! »
– « Rentrez chez vous je vous dit, ce n’est pas votre affaire ! »
J’hésitais encore un instant puis je suis rentré chez moi…
Après tout c’était peut-être juste pour lui demander un renseignement par rapport a l’un de ces amis de la fac qui lui aurait violé la loi. Peu après j’entendis sa porte s’ouvrir, des discussions étouffées, la porte se refermer doucement, des pas dans l’escalier, une voiture qui démarre, puis plus rien.
Le lendemain matin, à mon réveil, je me rendis compte qu’elle n’était plus là ».
L’enfant regardait son père et doucement dit :
– « Pourquoi tu pleures papa ? »
Combien il aurait aimé lui répondre que ce n’était rien, combien il aurait aimé que cet enfant comprenne par lui-même…
– « Hein papa ? Pourquoi tu pleures ? Parce qu’elle n’est plus là ? »
Parce qu’elle n’est plus là…
Cette phrase, il l’a reçu comme une lame, comme une flèche au beau milieu du cœur, cette phrase qui résumait toute une histoire, cette phrase qui représentait la réalité qu’il ne voulait pas avouer : Elle n’était plus là.
Elle n’était plus là parce qu’elle était baha’ie dans un pays où il ne fait pas bon de l’être, parce qu’elle n’était pas comme les autres.
Le cœur battant, c’est à cet instant là qu’il sut qu’il n’avait que deux solutions :
– Rester passif à regarder les autre se battre contre l’injustice
– Se battre contre l’injustice
Maintenant, il savait : il se battrai contre l’injustice, au risque de souffrir, au risque de mourir.
Entendez-vous ces cris ces pleurs ?
Ce sont des mains tendues vers la lueur, juste un peu d’aide c’est tout ce qu’ils demandent.
Allumons quelques bougies qu’elles puissent illuminer leurs vies.
Doris D.