Paris, le 24 décembre 2024 – Mahvash Sabet, une prisonnière bahá’íe iranienne âgée de 71 ans, emprisonnée par la République islamique depuis plus de 13 ans en raison de ses croyances, qui s’est déjà vu refuser des soins médicaux appropriés en prison malgré des problèmes de santé graves et croissants, et qui s’est souvent vu refuser des traitements hospitaliers en dépit de ses maladies potentiellement mortelles, a subi une opération à cœur ouvert. Mais une fois sa période de convalescence terminée, Mme Sabet sera rappelée en prison pour y rester jusqu’à la fin de sa deuxième condamnation de dix ans.
La Communauté internationale bahá’íe demande la libération immédiate et inconditionnelle de Mme Sabet, l’annulation de sa peine d’emprisonnement et l’assurance des autorités iraniennes qu’elle ne retournera jamais en prison.
Aujourd’hui, après plus de 13 ans d’interrogatoires aux mains des autorités iraniennes, d’emprisonnement et de mauvais traitements physiques et émotionnels, Mme Sabet se remet d’une chirurgie cardiaque causée par des années de négligence médicale et d’abus.
En France, de nombreux acteurs se mobilisent depuis des années pour sa libération. Le président du Pen Club français, Antoine Spire se disait « inquiet » au lendemain de la seconde arrestation de Mahvash Sabet et Fariba Kamalabadi, « de la situation de la créatrice Mahvash Sabet qui vient d’être arrêtée sans autre motif que son adhésion à la foi bahá’íe ». Avant d’ajouter : « Ses poèmes traduits en français nous ont séduits depuis longtemps. Pour nous, il s’agit d’une nouvelle offensive du pouvoir iranien contre une religion universaliste mais minoritaire en Iran. En témoigne le fait que d’autres de ses coreligionnaires ont aussi été jetés en prison sans aucun motif ! Nous, écrivains français protestons solennellement contre ces atteintes à la liberté d’expression. Nous sommes aux côtés de Mahvash Sabet et de ses amis et nous allons saisir les autorités françaises pour qu’elles s’associent à notre protestation ».
Chirinne Ardakani, avocate de la Prix Nobel de la Paix Narges Mohammadi, s’est également exprimée ce mercredi, en soulignant la stratégie perverse du régime pour affaiblir volontairement les détenus. « En refusant aux prisonniers politiques et de conscience tels que Mahvash Sabet des soins adaptés et en temps utiles, la République islamique d’Iran viole non seulement leurs droits fondamentaux mais déploie la stratégie d’usure et de mort lente qui consiste à laisser leur santé se dégrader. Il s’agit du prolongement des traitements inhumains et dégradants infligés aux détenus » a-t-elle déclaré. Cette lente mise à mort fait écho à la stratégie globale que les autorités iraniennes déploient à l’encontre des bahá’ís du pays, faisant en sorte de rendre leur vie quotidienne impossible. Madame Ardakani a par la suite ajouté : « La place de Mahvash Sabet, arbitrairement condamnée et détenue, n’est pas en prison. Elle doit retrouver la liberté et les siens et ce d’autant plus que son état de santé nécessite des soins qui ne peuvent être pratiqués en prison ».
Mme Sabet était membre d’un groupe d’administration informel de la communauté bahá’íe avant d’être arrêtée en 2008 et emprisonnée pendant dix ans avec six autres collègues.
Mme Sabet a été arrêtée une deuxième fois en juillet 2022, alors qu’elle souffrait d’une grave infection due au virus du Covid et d’autres problèmes de santé qui nécessitaient des soins médicaux. En prison, elle a gagné le respect et l’affection de ses codétenues, dont beaucoup la considéraient comme une figure maternelle, comme la journaliste Roxana Saberi qui a demandé la libération de Mme Sabet à de nombreuses reprises.
En novembre 2022, après sa deuxième arrestation, les médecins ont confirmé par écrit que Mme Sabet souffrait « d’ostéopénie, d’ostéoporose et de tendinite » et que « compte tenu de l’évolution de sa maladie, qui nécessite des visites répétées, il lui serait très difficile de tolérer les conditions carcérales, ce qui entraînerait une détérioration rapide de sa maladie ». Un second rapport médical indique que Mme Sabet souffre d’un « asthme allergique sévère et d’une bronchite chronique » et qu’elle n’est « pas en mesure de supporter sa sentence ».
Les autorités iraniennes ont ignoré ces avertissements. Après son opération du cœur, Mme Sabet risque maintenant de retourner à la prison d’Évin pour y purger le reste de sa peine, soit près de huit années supplémentaires derrière les barreaux. La Communauté internationale bahá’íe insiste pour que sa peine d’emprisonnement soit annulée et qu’elle soit libérée pour se rétablir en paix.
« Mme Sabet subit depuis des années de graves problèmes de santé et n’a pas reçu les soins médicaux dont elle avait besoin », a déclaré Simin Fahandej, représentante de la Communauté internationale bahá’íe (BIC) auprès des Nations unies à Genève. « Au lieu de cela, le gouvernement l’a envoyée à l’isolement, lui faisant subir de longs et violents interrogatoires. Mme Sabet n’aurait jamais dû être emprisonnée et, une fois confrontée aux conditions sanitaires de la prison, elle aurait dû être libérée. Le gouvernement iranien doit maintenant corriger cette situation et la libérer immédiatement afin qu’elle puisse recevoir les soins dont elle a besoin entourée de sa famille ».
La crise sanitaire de Mme Sabet reflète des cas similaires auxquels sont confrontés des dizaines d’autres baha’is qui sont injustement détenus sur la base d’accusations sans fondement. La BIC a reçu des dizaines de rapports selon lesquels les autorités iraniennes ignorent les problèmes de santé des bahá’ís détenus, ce qui constitue une violation flagrante du droit des détenus aux soins médicaux.
Mme Farandej ajoute : « Mahvash Sabet est connue du monde entier comme une championne intrépide des droits humains, et nous sommes inspirés par sa force d’âme face à la cruauté et à l’injustice. La manière dont sa vie et sa santé sont gravement affectées et la persécution cruelle du gouvernement iranien à son encontre, comme à l’encontre de ses compagnons bahá’ís et de l’ensemble de la communauté bahá’íe, nous brisent le cœur. Nous demandons qu’il soit mis fin à cette cruauté et à cette discrimination qui continuent de persécuter si injustement une personne de 71 ans, qui en a déjà passé 13 en prison. »
La Commission des États-Unis pour la liberté religieuse internationale a également déclaré, le 13 décembre, qu’elle était « profondément préoccupée par l’hospitalisation de la responsable bahá’íe Mahvash Sabet », ajoutant que les autorités iraniennes l’avaient « torturée à plusieurs reprises » en prison.
En avril 2023, après sa deuxième incarcération, des rapports révélèrent qu’au cours d’un interrogatoire à la prison d’Évin, Mme Sabet avait eu les genoux brisés par des agents de la sécurité. Mme Sabet fut contrainte de se remettre de cette grave blessure à l’intérieur des murs de la prison.
Mme Fahandej continue : « Imaginez que vous entriez dans cette période de la vie où la plupart des gens passent plus de temps avec leur famille, et qu’au lieu de cela vous regardiez les murs d’une cellule, tandis que l’état de votre cœur et votre corps se dégrade, que votre cœur s’affaiblit. Si vous pouvez imaginer cela, vous pouvez comprendre en partie l’injustice que Mahvash continue d’endurer. Le gouvernement iranien a maintenant l’occasion de prendre une mesure positive en confirmant que Mahvash Sabet ne mettra plus jamais les pieds en prison. Mahvash mérite de se remettre de son opération du cœur avec sa famille et ni elle, ni aucun bahá’í ou autre prisonnier de conscience ne devrait souffrir une seule minute de plus des brutalités pour ses croyances. »
En Iran, les bahá’ís sont systématiquement persécutés dans tous les domaines de la vie, une situation qui, depuis plus de 45 ans, est condamnée par les Nations unies et la communauté internationale.
Le précédent rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme en Iran, Javaid Rehman, a indiqué que les bahá’ís sont visés par le gouvernement iranien dans une “intention génocidaire”.
Human Rights Watch a qualifié le traitement réservé aux bahá’ís en Iran d’une « persécution équivalente à un crime contre l’humanité ».
Informations complémentaires sur Mahvash Sabet
• Mme Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la paix et avocate de la défense de Mahvash Sabet et des autres responsables bahá’ís lors de leur procès en 2008, a déclaré qu’il n’y avait « pas l’ombre d’une preuve » pour prouver les allégations concernant la sécurité nationale, la « propagation de la corruption sur terre » et d’autres accusations avancées par le gouvernement iranien.
• Pour une série de poèmes écrits en prison à Evin, Mme Sabet a reçu en 2017, le prix « Écrivain international du courage » de PEN International. (lien externe). Avant sa première incarcération, elle travaillait comme éducatrice pour l’Institut bahá’í d’enseignement supérieur, qui dispense un enseignement universitaire aux jeunes bahá’ís iraniens, privés de cette possibilité en raison de leur foi.
• L’une des codétenues de Mme Sabet à la prison d’Evin, la Prix Nobel Narges Mohammadi, s’est exprimée à plusieurs reprises pour défendre Mme Sabet et d’autres prisonniers bahá’ís.
• Dans une déclaration publiée en janvier 2023 depuis l’intérieur de la prison d’Evin, Mme Mohammadi se souvient du moment où elle vit Mme Sabet revenir à la prison d’Evin, déclarant que « Mahvash se tenait là, toussant beaucoup, pâle, et portant encore les vêtements d’été qu’elle portait lors de son arrestation le 31 juillet », notant son manque de vêtements chauds pendant l’hiver, confirmation claire de la négligence des autorités de la prison pour la santé de Mme Sabet.
• La militante iranienne des droits des femmes basée aux États-Unis, Masih Alinejad, a également publié en décembre 2023 une déclaration vidéo dans laquelle elle lit un extrait d’une lettre de Mme Sabet et salue son courage face à la persécution et à l’injustice.
Plus d’informations sur la persécution des bahá’ís en Iran
Ces derniers mois ont vu une augmentation de l’attention et des préoccupations internationales concernant les droits humains des bahá’ís en Iran et, en particulier, la situation des femmes bahá’íes iraniennes.
• Ces dernières informations concernant la santé de Mme Sabet surviennent quelques semaines après que 18 experts des Nations Unies aient critiqué le gouvernement iranien pour une augmentation des attaques contre les femmes bahá’íes. Les femmes bahá’íes iraniennes sont victimes de persécutions en tant que femmes et en tant que bahá’ís.
• En début de semaine, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté sa dernière résolution critiquant la République islamique pour ses violations des droits humains et reproche au gouvernement iranien de soumettre les bahá’ís à « une augmentation continue et aux effets cumulatifs d’une persécution de longue date, comprenant des attaques, du harcèlement et du ciblage, baha’ies qui font face à des restrictions croissantes en tant que femmes et en tant que bahá’ís. Les bahá’ís sont confrontés à des restrictions croissantes et à une persécution systématique de la part du gouvernement de la République islamique d’Iran en raison de leur foi et selon certains rapports auraient fait l’objet d’arrestations massives et de longues peines de prison, ainsi que de l’arrestation de membres éminents et d’une augmentation de la confiscation et de la destruction de leurs biens ».
• Dans un nouveau rapport : Les exclus : Violence multiforme contre les bahá’ís en République islamique d’Iran par le Centre Abdorrahman Boroumand pour les droits humains en Iran, les rapporteurs spéciaux des Nations unies, dont le professeur Mai Sato, nouvelle rapporteuse spéciale sur les droits humains en Iran, et le professeur Nazila Ghanea, rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de croyance, parlent de la répression systématique de la communauté bahá’íe qui cible particulièrement les femmes bahá’íes.
• Un exemple sinistre de persécution récente a été donné en octobre lorsque 10 femmes bahá’íes d’Ispahan ont été condamnées à un total combiné de 90 ans de prison. Ces femmes ont été reconnues coupables de « diffusion de propagande » et d’avoir agi contre le gouvernement iranien pour avoir organisé des activités éducatives et culturelles, telles que des cours de langue, d’art et de yoga, y compris pour les enfants, que les autorités iraniennes qualifièrent d’« activités éducatives déviantes ».
• Récemment encore une lettre publiée en octobre signée par 18 experts de l’ONU reproche à l’Iran de cibler les femmes bahá’íes par des perquisitions à domicile, des interdictions de voyager et des peines d’emprisonnement prolongées. Les experts, dont les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la violence contre les femmes et les filles, la liberté de religion ou de croyance et la liberté d’opinion et d’expression, qualifient les actions du gouvernement de « modèle continu de discrimination ciblée ». Au début de l’année, un rapport de Human Rights Watch, intitulé The Boot on My Neck, a conclu que la répression systémique des bahá’ís par l’Iran, qui dure depuis 45 ans, constituait une « persécution équivalente à un crime contre l’humanité »
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