Paris, publié le 16 juillet 2008 – Les musulmans à La Mecque, les juifs à Jérusalem, les chrétiens à Bethléem, les bouddhistes à Lumbini… et les bahá’ís à Acre !
Les lieux les plus saints sur terre pour les bahá’ís,c’est à dire les tombeaux de Bahá’u’lláh et du Báb, les fondateurs de la foi bahá’íe et considérés tous deux comme étant des Manifestations divines, attirent chaque année des milliers de pèlerins et de visiteurs.
Ces lieux, situés au nord d’Israël, ont maintenant été ajoutés à la liste de l’héritage mondial de l’UNESCO en reconnaissance de leur « exceptionnelle valeur universelle » pour l’héritage commun de l’humanité.
Lors de sa 32ème session, le Comité du patrimoine mondial des Nations unies, siégeant dans la ville de Québec du 2 au 10 juillet, a décidé d’inscrire 27 sites supplémentaires sur la Liste du patrimoine mondial de l’humanité, soit 19 sites culturels et 8 sites naturels.
Les lieux saints bahá’is à Haïfa et en Galilée occidentale (Israël) ont, pour leur part, été inscrits le 8 juillet dernier.
Les pèlerins vous diront que la beauté extérieure n’est qu’un symbole, une expression de l’amour pour les Messagers de Dieu qui sont enterrés là et un flambeau d’espoir pour l’avenir de l’humanité.
« C’est difficile de l’expliquer avec des mots, témoigne Gary Marx, venu en pèlerinage depuis le Michigan aux États-Unis. Vous pouvez décrire des choses physiques, mais il ne s’agit absolument pas de cela. Le pèlerinage est une expérience qui remonte à l’aube de l’humanité. C’est un désir ardent de se connecter à la réalité spirituelle… et de se connecter à soi-même ».
Bien que les deux tombeaux aient une signification particulière pour les bahá’ís, leur nature spirituelle attire également d’autres personnes.
« Ceux qui ne sont pas bahá’ís viennent ici et disent que c’est semblable à un coin de paradis tombé du ciel », indique Taraneh Rafati, qui a servi pendant les dix dernières années comme guide des pèlerins aux lieux sacrés bahá’ís.
« Que vous soyez musulmans, juifs, chrétiens ou bouddhistes, le paradis est décrit dans les textes sacrés. C’est exactement comme cela, dit-elle, mentionnant la quiétude et la beauté des lieux. Vous venez ici et vous vous sentez proche de votre Seigneur. C’est gratuit et c’est pour tout le monde ».
Visiteurs, touristes et pèlerins
Un demi-million de personnes ont visité le site du Tombeau l’année dernière, beaucoup d’entre-elles étaient des touristes, désirant voir les jardins et les admirer de près, particulièrement le mausolée du Báb, un monument renommé en Israël, qui domine la ville et la baie de Haïfa, et, au-delà, la mer Méditerranée.
Plus de 80 000 de ces visiteurs sont entrés dans le Tombeau lui-même, enlevant leurs chaussures et marchant silencieusement dans la pièce adjacente au lieu de sépulture du Báb. Certains veulent simplement jeter un coup d’œil, mais beaucoup s’attardent pour lire une prière de Bahá’u’lláh qui orne l’un des murs, ou se livrent à leur propre méditation ou prière. Certains sont visiblement émus.
« Il y avait un groupe de visiteurs catholiques et ils se sont tous mis à genoux dès qu’ils sont entrés », se souvient l’un des guides.
Pour leur part, les pèlerins bahá’ís participent à un programme particulier de neuf jours qui comprend la visite des deux tombeaux. Les guides expliquent que, concernant cette expérience, les individus ont des attitudes différentes.
« Les réactions sont aussi variées que les visiteurs », relate Marcia Lample, qui a été guide des pèlerins pendant les cinq dernières années.
Certains, par exemple, ne peuvent pas aller directement dans le tombeau lorsqu’ils arrivent. « Ils se sentent indignes », explique-t-elle. Pour d’autres, les tombeaux sacrés sont comme un aimant, les attirant vers l’intérieur. Certaines personnes entrent et restent pendant des heures, d’autres seulement quatre minutes. Ça n’a pas d’importance. Ils demeurent aussi longtemps qu’ils en ressentent le besoin », ajoute encore Madame Lample.
Pour en savoir plus
Le tombeau de Bahá’u’lláh
Le tombeau de Bahá’u’lláh est situé à l’extérieur de la ville d’Acre, près de Haïfa au nord d’Israël. C’est la dernière demeure du fondateur de la foi bahá’íe, considéré par les bahá’ís comme étant un envoyé de Dieu. Sa sépulture est le point focal de prières pour tous les bahá’ís du monde, et sa signification est comparable à celle du mur des Lamentations de Jérusalem pour les juifs ou La Mecque pour les musulmans.
« À l’intérieur, c’est vraiment extraordinaire, explique Farzin Rasouli-Seisan, un pèlerin âgé de 26 ans, en provenance de Sydney en Australie. Vous entrez et cela vous mène à un jardin intérieur. Il y a des fleurs et deux arbres, le tout sous un toit vitré. Il y a un certain nombre de pièces et l’une d’elle est la dernière demeure de Bahá’u’lláh. Vous ne pouvez pas pénétrer dans cette pièce, mais il y a une marche sur laquelle vous pouvez poser votre tête ».
Madame Rafati, qui a accompagné des pèlerins pendant de nombreuses années, témoigne : « Nous n’adorons pas la poussière ou les murs, mais la connexion que ce lieu possède avec notre Bien-aimé. Nous ne sommes pas ici pour rendre hommage aux fleurs, mais pour y épancher notre cœur ».
Le Tombeau est aussi particulier parce qu’il est adjacent au manoir dans lequel Bahá’u’lláh a vécu les dernières années de sa vie. Les pèlerins peuvent y entrer et pénétrer dans sa chambre, celle où il décéda en 1892. Celle-ci a été restaurée à l’identique du temps où il l’occupait. On peut d’ailleurs y voir certains de ses effets personnels.
Bahá’u’lláh a vécu les dernières années de sa vie dans cette résidence, appelée Bahji, après que les autorités aient relâché les restrictions envers sa personne. Celles-là même qui l’avaient gardé enfermé dans la ville prison d’Acre durant les années ayant suivi son bannissement de son Iran natal.
Le dôme doré de Haïfa
Avant de mourir, Bahá’u’lláh a pu se rendre plusieurs fois à proximité de Haïfa et il a donné des instructions explicites afin d’établir le tombeau du Báb sur le Mont Carmel. Le mausolée du Báb est le deuxième lieu le plus saint pour les bahá’ís.
En Iran, le Báb a annoncé, en 1844, qu’il était un Messager de Dieu venu pour annoncer l’arrivée imminente d’un second Messager encore plus grand que lui, précisément Bahá’u’lláh. Il fut exécuté en 1850 sur la place publique de Tabriz. Ses disciples ont caché Sa dépouille durant des années, attendant le moment où ils pourraient lui offrir une sépulture appropriée.
Un demi-siècle plus tard, la dépouille sacrée fut transportée à Haïfa et finalement déposée dans son lieu de repos définitif sur le Mont Carmel, décrit dans la bible comme étant la « montagne du Seigneur ».
Le dôme doré qui couronne le Tombeau fut achevé en 1953 en même temps qu’une extension des tout premiers jardins du site. C’est l’un des points d’attraction les plus renommées d’Israël.
En 2001, une série de magnifiques jardins en terrasses a été achevée, en amont et en aval du Tombeau, se déployant sur plus d’un kilomètre sur le flan du Mont Carmel.
L’expérience du pèlerin
Certains bahá’ís planifient et économisent pendant des années afin de pouvoir se rendre à Acre et à Haïfa, raconte encore Madame Lample.
« Ils ont la possibilité de prier à l’endroit même où le fondateur de leur Foi a marché, où il a révélé les paroles de Dieu, où il a souffert pour eux et pour l’unité de la race humaine, déclare-t-elle. Et surtout ils viennent pour prier dans les lieux qui renferment les précieuses dépouilles des figures centrales de leur religion ».
Roger et Cathy Hamrick, qui habitent en Caroline du Nord aux États-Unis, sont venus en juin dernier pour leur premier pèlerinage.
« Nous sommes mariés depuis 30 ans et durant tout ce temps nous avons désiré venir, explique Madame Hamrick. Se rendre aux Tombeaux est le point culminant du voyage spirituel de toute une vie. Comment quelque chose pourrait-il être comparé au fait de poser son front sur le seuil sacré ? ».
«Le pèlerinage permet également aux baha’is de comprendre concrètement leur foi », explique encore Monsieur Hamrick. L’enseignement principal de la foi bahá’íe est l’unité du genre humain sous la bannière d’un seul Dieu et les gens qui viennent en Terre sainte rencontrent des bahá’ís du monde entier. C’est une telle joie de ressentir l’unité de la famille humaine. C’est différent de tout ce que j’ai vécu auparavant ».
Madame Lample raconte que les pèlerins assistent aussi à des causeries et à des programmes sur le développement de la foi bahá’íe dans le monde, ce qui les aide à imaginer comment leur propre communauté s’intègre dans la société globale.
Mais, dit-elle, le but principal d’un pèlerinage est la prière et la méditation aux Tombeaux et c’est pratiquement toujours une expérience exceptionnelle.
« Les gens peuvent éprouver quelque chose ici, dit-elle. Il y a un esprit entourant ces lieux. C’est palpable. Les gens peuvent sentir la présence de Dieu ».
Les premiers pèlerins bahá’ís à Acre
Le pèlerinage bahá’í à Acre a commencé peu de temps après 1868, lorsque Bahá’u’lláh est arrivé dans l’ancienne ville fortifiée en tant que prisonnier de l’Empire ottoman.
Quinze ans plus tôt, il avait été banni d’Iran, son pays natal, et il a vécu ensuite successivement à Bagdad, à Istanbul, puis Edirne, avant d’être envoyé à Acre, qui était à cette époque un avant-poste retranché de l’Empire ottoman utilisé comme lieu d’exil.
De dévoués fidèles d’Iran localisèrent l’endroit où il se trouvait et ils entreprirent de voyager à pied pendant des mois juste pour l’entrapercevoir. N’étant pas autorisés à l’intérieur des murs de la ville, les pèlerins se tenaient à l’extérieur et regardaient vers la citadelle, dans l’espoir que Bahá’u’lláh apparaîtrait à la fenêtre du second étage où il était emprisonné, ne serait ce même que pour une minute afin de le voir les saluer de sa main.
Plus tard, lorsque les autorités permirent à Bahá’u’lláh de résider en dehors de la prison, les pèlerins pouvaient parfois être admis en sa présence pour lui témoigner leur dévotion et écouter ses explications au sujet de la nouvelle révélation de Dieu.
Parfois, il écrivait une tablette – une prière ou une autre communication – pour les pèlerins en partance pour l’Iran, ou tout autre lieu, où des bahá’ís avaient soif de contact avec le guide spirituel qu’ils considéraient comme le porte-parole de Dieu pour cette époque.
Après son trépas, les pèlerins affluèrent encore – pour prier sur son lieu de sépulture et pour rendre également hommage à son fils, ‘Abdu’l-Bahá, que Bahá’u’lláh avait désigné pour lui succéder à la tête de la communauté bahá’íe et plus tard à Shoghi Effendi, le Gardien de la foi bahá’íe.
Au fur et à mesure que la religion bahá’íe se propageait partout dans le monde, les croyants venaient de plus loin, comme par exemple le premier groupe de pèlerins occidentaux, principalement américains, qui arrivèrent en 1898. Ils furent autorisés à rendre une visite spéciale au tombeau et un membre de ce groupe, May Bolles, écrivit plus tard :
« Comme nous regardions vers la porte voilée, nos âmes tressaillirent en nous comme si elles cherchaient à se libérer, et si nous n’avions pas été confirmés par la miséricorde de Dieu, nous n’aurions pas pu endurer cette intense émotion faite à la fois de joie et de tristesse, d’amour et d’aspiration qui a ébranlé le fondement même de nos êtres ».