PARIS, le 21 novembre 2024 – Dans une escalade inquiétante, la Communauté internationale bahá’íe (BIC) a publié aujourd’hui une déclaration exprimant publiquement ses préoccupations concernant les politiques des autorités égyptiennes visant à persécuter systématiquement la minorité religieuse bahá’íe du pays. Les bahá’ís d’Égypte, qui sont probablement plusieurs milliers, sont confrontés au harcèlement, au déni de leurs droits civils, à la séparation des familles et à une surveillance envahissante de la part des agences de sécurité de l’État.
Les efforts récents des autorités égyptiennes pour aggraver cette discrimination ont incité le BIC à attirer l’attention du public sur ces injustices.
« Aujourd’hui, la Communauté internationale bahá’íe prend la grave décision d’exposer ses profondes inquiétudes concernant six décennies de discrimination et de persécution à l’encontre de la communauté bahá’íe égyptienne, une situation qui ne fait qu’empirer », déclare le Dr Saba Haddad, représentante de la Communauté internationale bahá’íe auprès des Nations unies à Genève.
« Les politiques et les pratiques des institutions égyptiennes ont causé de grandes souffrances aux bahá’ís dans tout le pays, visant à supprimer l’identité bahá’íe et à empêcher les bahá’ís d’obtenir les droits civils fondamentaux. Ces politiques privent la communauté bahá’íe de ses droits à la liberté de religion, à la pratique des principes de leur foi, au droit de mener une vie normale et digne avec leurs familles et de gagner leur vie, ajoute le Dr Haddad, sans que les autorités n’indiquent leur intention de changer leur regrettable approche. »
Le Dr Haddad déclare : « Ce qui est surprenant, c’est qu’alors que plusieurs pays de la région s’orientent vers la promotion des valeurs de coexistence et de citoyenneté, prenant de véritables mesures positives qui méritent d’être saluées et appréciées, nous assistons en Égypte – qui a toujours été un leader dans la région – à une augmentation systématique du ciblage des citoyens bahá’ís en raison de leurs croyances. Cette situation est incompatible avec le statut de l’Égypte et ses objectifs déclarés. »
Elle ajoute : « L’histoire des bahá’ís en Égypte remonte à 1868. Ce sont des citoyens égyptiens loyaux envers leur patrie dont le seul souhait est de vivre en paix dans leur pays, au service de leur nation et de leurs concitoyens. Est-il concevable, dans un pays aussi riche en patrimoine que l’Égypte, que des organismes officiels prennent pour cible pendant des décennies des hommes, des femmes et des enfants dans des villes et des villages, simplement parce que leur croyance est différente ? Le gouvernement égyptien doit corriger cette erreur et lever immédiatement toutes les restrictions injustes. Ses partenaires de la communauté internationale doivent l’exhorter à le faire. »
La situation des droits humains en Égypte sera examinée en janvier 2025 lors du prochain examen périodique universel au Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève. Le BIC appelle les membres du Conseil des droits de l’homme à soulever la question de la situation des bahá’ís avec le gouvernement égyptien et à rechercher une solution positive pour effacer cette tache sur le statut et la réputation de l’Égypte au sein de la communauté des nations.
Des décennies de discrimination et des craintes croissantes d’une aggravation de la situation
Les bahá’ís égyptiens subissent depuis plus de 65 ans une discrimination généralisée de la part de l’État : privation des droits civils, limitation de l’accès aux services publics, obstacles à l’éducation et à l’emploi, menaces d’expulsion et séparation forcée des membres de la famille, refus de l’accès de la communauté à des cimetières, la suppression de leur identité religieuse.
Depuis le début de l’année 2024, par exemple, il y a eu en Égypte de nombreux cas de discrimination à l’encontre des bahá’ís. Les autorités ont refusé de reconnaître légalement la cérémonie du mariage bahá’í et ont exercé des pressions sur les individus en les harcelant et en les faisant surveiller par des agences de la sécurité nationale.
L’exemple d’une bahá’íe égyptienne âgée et grand-mère, mariée à un homme non égyptien, montre comment le refus d’enregistrer son mariage dans ses documents officiels en raison de sa qualité de bahá’íe a privé sa famille de ses droits et de sa sécurité. « J’ai passé des décennies à servir l’Égypte et à contribuer à la construction de communautés », explique cette femme, qui ne peut être identifiée pour des raisons de sécurité. « En tant que mère et grand-mère, je souffre de voir la mention ‘célibataire’ sur mes documents officiels parce qu’ils ont refusé pendant toutes ces années de traiter ma demande, tout en sachant très bien que je suis légalement mariée… En conséquence, je n’ai pas pu garantir les droits civils et constitutionnels de mes enfants, et je ne pourrai pas leur laisser d’héritage. » Ses enfants se sont vus refuser la citoyenneté égyptienne et sont confrontés à une incertitude permanente quant à l’obtention d’un permis de séjour. « Le plus dur pour moi, c’est d’imaginer que mes enfants ne seront peut-être plus là pour s’occuper de moi quand je vieillirai, explique cette femme. J’ai peur de me retrouver toute seule… Nous sommes traités comme des criminels. »
Une autre bahá’íe souligne les pressions supplémentaires résultant de ces politiques discriminatoires à l’égard des bahá’ís et la façon dont ces politiques créent de nombreux défis culturels. « Il est extrêmement pénible que ma mère doive faire face à cette stigmatisation en raison du refus de reconnaître son mariage sur ses papiers officiels uniquement parce qu’elle est bahá’íe. Imaginez une bahá’íe légalement mariée mais dont les documents indiquent le contraire en raison de pratiques discriminatoires, explique-t-elle. La culture égyptienne est très critique à l’idée que des femmes célibataires aient des enfants, considérant souvent cela comme le résultat d’un comportement inapproprié. »
Obstacles systématiques aux droits civils et familiaux
Des actions récentes du gouvernement ont annulé des décisions de justice antérieures qui accordaient aux couples mariés bahá’ís une reconnaissance limitée de leur mariage, ce qui a eu des répercussions civiles et économiques considérables. Un mariage annulé prive les conjoints du statut juridique requis pour les retraites, l’héritage, les pensions alimentaires, la garde des enfants et les permis de séjour.
L’effet sur les moyens de subsistance et le bien-être de ses membres est également une préoccupation croissante pour la communauté. bahá’íe. « Les obstacles à l’évolution de ma carrière dus à notre foi m’ont empêché de travailler pendant près de dix ans, a déclaré un bahá’í, ce qui fait que j’ai du mal à subvenir aux besoins de mes enfants. »
Dans un cas flagrant de séparation familiale, une bahá’íe non égyptienne, mariée depuis plus de dix ans à un bahá’í égyptien, s’est vue refuser l’entrée en Égypte après s’être rendue dans son pays d’origine. Bien qu’elle ait satisfait à toutes les exigences légales, elle a été informée que son mariage n’était pas valide et s’est vue refuser un visa d’entrée en Égypte. Son absence forcée l’a séparée de son mari et de ses jeunes enfants pendant plus de sept mois.
Une autre bahá’íe – classée comme ressortissante étrangère née d’une mère égyptienne – s’est vue refuser la citoyenneté parce que ses parents sont bahá’ís et a reçu à la place une exemption de permis de résidence. Cependant, au cours des derniers mois, après avoir déposé son passeport auprès des autorités pour obtenir sa carte d’exemption, elle a constaté avec effroi qu’il était frappé d’un ordre d’expulsion l’obligeant à quitter l’Égypte. Cette femme doit maintenant s’exiler dans un pays en état de guerre et être séparée de ses deux jeunes enfants et de sa mère âgée.
Obstacles aux droits religieux et à la vie communautaire
Les bahá’ís d’Égypte sont également privés de leur droit fondamental de participer à des activités de construction communautaire et à d’autres projets communautaires et de service. Les autorités surveillent et perturbent les activités bahá’íes, y compris les projets sociaux destinés à améliorer la vie de la communauté, et découragent les Égyptiens de s’associer à des amis et à des collègues bahá’ís.
« En tant que bahá’ís, nous nous efforçons toujours de construire des communautés unies, déclare un bahá’í. Les autorités sont au courant de toutes nos activités et de tous nos efforts de construction communautaire, et leurs réactions et attitudes sont injustifiées. » Un autre bahá’í déclare : « Nous sommes constamment surveillés », ajoutant que les membres de la communauté bahá’íe « reçoivent des messages qui nous le rappellent et nous menacent parce que nous pratiquons notre foi. »
En réponse à un appel de la communauté bahá’íe en faveur d’un terrain d’Alexandrie destiné à un cimetière bahá’í, le commissaire de l’État, bien que disposant indépendamment de l’autorité nécessaire pour attribuer des terrains à cette fin, a demandé l’avis d’Al-Azhar, la principale institution religieuse islamique du pays, qui lui a recommandé de refuser aux bahá’ís le droit d’être enterrés dans la dignité, arguant que toute attribution de terrain aux bahá’ís risquait de « déchirer le tissu communautaire de la société égyptienne ». Le commissaire de l’État a choisi d’accepter la recommandation d’Al Azhar, laissant les bahá’ís avec des options limitées pour l’enterrement dans un seul cimetière du Caire, surpeuplé.
Historique
Depuis près d’un siècle, la communauté bahá’íe d’Égypte fait l’objet d’une discrimination systématique et délibérée, motivée par des considérations sectaires et soutenue par les autorités gouvernementales.
● Opposition initiale : Depuis les années 1920, les membres du clergé musulman et les tribunaux religieux en Égypte s’opposent activement à la religion bahá’íe. Al-Azhar a publié de nombreuses fatwas dénonçant les bahá’ís comme des infidèles et mettant en garde la société contre toute interaction avec eux. En 1960, le président Gamal Abdel Nasser a publié un décret interdisant toutes les activités bahá’íes, dissolvant les institutions bahá’íes et confisquant tous les biens bahá’ís, y compris leurs cimetières. Ce décret a officiellement institutionnalisé la discrimination soutenue par l’État des bahá’ís en les privant de leurs droits fondamentaux et de reconnaissance.
● Déni du droit à obtenir une carte d’identité : Pendant des décennies, les bahá’ís n’ont pas pu obtenir de carte d’identité nationale, les autorités ayant décidé de ne pas reconnaître leur religion sur les documents officiels. Cette décision les a rendus apatrides, leur refusant l’accès à l’éducation, à l’emploi et aux services gouvernementaux. Une décision de justice de 2008 a permis aux bahá’ís d’utiliser un tiret (-) dans le champ « religion » des cartes d’identité, mais ce tiret lui-même a depuis été utilisé comme un outil de discrimination permanente à l’encontre des bahá’ís.
● Non-reconnaissance des mariages : Au cours des dernières décennies, les mariages bahá’ís n’ont pas été officiellement reconnus, malgré les nombreux efforts déployés par la communauté bahá’íe pour résoudre ce problème. En 2017, les fonctionnaires du ministère de la Justice ont informé la communauté que les couples mariés bahá’ís devaient demander individuellement des décisions de justice pour valider leurs mariages. Malgré certains verdicts positifs, l’État a récemment fait appel de ces décisions, empêchant la mise en œuvre des décisions de justice qui reconnaissaient les mariages bahá’ís. Certains couples mariés qui ont reçu un verdict positif et ont pu changer leur statut en « marié » sur leur carte d’identité en 2017 ont constaté que, lors du renouvellement de leur carte d’identité en 2024, ils ont été réémis en tant que « célibataires ». Un règlement intérieur du Bureau de l’enregistrement a institutionnalisé cette discrimination, l’article 134 stipulant : « Les mariages bahá’ís entre eux ou entre eux et d’autres adeptes d’autres religions reconnues en République arabe d’Égypte ne peuvent pas être notariés… » La non-reconnaissance des mariages a de nombreuses conséquences, notamment l’impossibilité d’enregistrer les naissances, de garantir les droits de succession, de percevoir des pensions, etc.
● Refus du droit à l’inhumation : Le gouvernement a confisqué plusieurs cimetières bahá’ís en 1960 et a depuis refusé d’allouer de nouveaux terrains à cet effet. Les bahá’ís n’ont accès qu’à un seul cimetière pour l’ensemble de l’Égypte, qui est aujourd’hui presque plein. La communauté a intenté des actions en justice dans les gouvernorats d’Alexandrie et de Port-Saïd afin d’obtenir l’attribution de terrains pour les cimetières. Les commissaires d’État ont demandé l’avis des autorités religieuses d’Al-Azhar, qui ont réagi en publiant le décret suivant le 26 juin 2021, démontrant une fois de plus leur implication dans la discrimination en cours : « Il n’est pas permis d’attribuer un terrain pour l’enterrement des morts à ceux qui portent le signe du tiret (-) ou quoi que ce soit d’autre, car cela pourrait conduire à une discrimination, à une ségrégation et à une division accrues, et à une rupture du tissu de la communauté. »
● Harcèlement et surveillance par l’Agence nationale de sécurité : Les bahá’ís sont régulièrement harcelés, intimidés et interrogés par les agences de sécurité. Leurs projets sociaux et humanitaires sont interrompus et leurs amis et associés sont dissuadés d’entretenir des relations avec eux.
CONTACT PRESSE :
Bureau des affaires extérieures des bahá’ís de France
baebf@bahai.fr
Hiram Bouteillet
06 42 26 24 89 / +33(0)145006958