Paris, le 12 décembre 2022 – Alors que la répression des autorités iraniennes contre leurs propres citoyens est de plus en plus violente, deux bahá’íes, Mahvash Sabet et Fariba Kamalabadi, considérées comme des symboles de résilience en Iran après avoir passé 10 ans en prison uniquement en raison de leur foi, ont été à nouveau condamnées à une deuxième peine cruelle et injuste de 10 ans d’emprisonnement.
Les deux bahá’íes iraniennes ont été arrêtées pour la deuxième fois le 31 juillet dernier, au début d’une nouvelle vague répression contre les bahá’ís en Iran.
« Depuis l’arrestation de Mahvash et de Fariba, on constate une tragique accélération de la répression des bahá’ís en Iran. On dénombre plus de 320 bahá’ís concernés par des actes individuels de persécution. Des dizaines de personnes ont été arrêtées à différents endroits à Chiraz, dans la province de Mazandéran et ailleurs dans le pays. Des maisons appartenant à des bahá’ís dans le village de Roshankouh ont été démolies. Les plans du gouvernement visant à dénigrer les bahá’ís par des discours de haine et de la propagande ont également été dévoilés. Et au moins 90 bahá’ís sont actuellement en prison ou soumis à une surveillance dégradante par bracelet électronique », rapporte Hamdam Nadafi, porte-parole de bahá’ís de France.
Concernant Mahvash et Fariba, leur seconde peine d’emprisonnement a été prononcée à l’issue d’un procès d’une heure le 21 novembre, heure pendant laquelle le juge a surtout insulté et humilié les accusées. Ce procès a eu lieu près de quatre mois après leur arrestation. Le juge Iman Afshari, qui préside la branche 26 du tribunal révolutionnaire de Téhéran, a reproché aux deux femmes de « ne pas avoir appris la leçon » de leur précédente incarcération.
Hamdam Nadafi rappelle qu’en 2008 « Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la paix et avocate de Mahvash et Fariba lors de leur premier procès, avait déclaré que « pas la moindre preuve » n’avait été présentée pour prouver les accusations relevant de la sécurité nationale ou d’autres allégations. Or force est de constater qu’aucune nouvelle preuve n’a été apportée lors de ce nouveau procès inique. Ces deux dames qui ont déjà perdu une décennie de leur vie en prison uniquement en raison de leur conviction, sont à nouveau condamnées à 10 ans de prison pour les mêmes accusations ridicules. Au lieu d’exprimer des regrets à ces familles pour l’emprisonnement injuste qu’elles ont déjà subi, le gouvernement iranien réitère de manière incroyable et inexplicable la même cruauté. Cette nouvelle sentence ridicule, prononcée sans aucune preuve, tourne en dérision le système judiciaire iranien, où les juges sont à la fois procureur, juge et jury. Les mots manquent pour décrire cette injustice absurde et cruelle ».
Pour leurs partisans, ces deux femmes sont des symboles de résilience, des confidentes d’autres prisonnières opprimées, et comme des mères pour toutes les femmes iraniennes.
Mahvash Sabet a acquis une notoriété internationale après la publication en anglais, sous le titre Prison Poems1, d’un recueil de poèmes qu’elle avait écrits en prison. Mahvash a été reconnue par PEN International comme l’écrivain international du courage 2017.
Antoine Spire, Président du Pen club français adressait ce message au lendemain de la seconde arrestation de Fariba, « Le Pen club français s’inquiète une fois de plus de la situation de la créatrice Mahvash Sabet qui vient d’être arrêtée sans autre motif que son adhésion à la foi bahá’íe. Ses poèmes traduits en français nous ont séduits depuis longtemps. Pour nous, il s’agit d’une nouvelle offensive du pouvoir iranien contre une religion universaliste mais minoritaire en Iran. En témoigne du fait que d’autres de ses coreligionnaires ont aussi été jetés en prison sans aucun motif ! Nous, écrivains français protestons solennellement contre ces atteintes à la liberté d’expression. Nous sommes aux cotés de Mahvash Sabet et de ses amis et nous allons saisir les autorités françaises pour qu’elles s’associent à notre protestation ».
Lors de leur première incarcération, plusieurs autres femmes iraniennes éminentes ont été emprisonnées en même temps que Mahvash et Fariba. Faezeh Hashemi, fille de l’ancien président iranien Akbar Hashemi Rafsanjani, qui est elle-même de nouveau en prison pour avoir soutenu les revendications des femmes en Iran, a fait les gros titres lorsqu’elle a rendu visite à Fariba pendant ses permissions et après sa libération. Et la journaliste irano-américaine Roxana Saberi, qui a partagé une cellule avec Mahvash et Fariba, a déclaré que les deux bahá’íes étaient devenus des sources de réconfort et d’espoir pour leurs codétenus.
« Comme celui de tout observateur impartial, notre cœur souffre de la perte en Iran d’innocentes vies humaines, alors que des Iraniens de tous âges et de tous horizons réclament justice sociale et égalité, ajoute Mme Nadafi. Et alors que le magazine Time a désigné les femmes iraniennes comme héroïnes de l’année, et que la communauté internationale a reconnu à juste titre la bravoure et l’héroïsme de tous les Iraniens, et en particulier celui des femmes, qui s’obstinent à réclamer justice et égalité face à la répression violente et brutale de leurs droits, nous ne pouvons rester silencieux face à la nouvelle condamnation de Mahvash et Fariba. Elles sont deux de ces femmes qui, depuis de nombreuses années, défendent et promeuvent l’égalité des femmes et des hommes, réclament la justice et la vérité, et qui, de ce fait, ont déjà payé un lourd tribut pour avoir défendu ces principes. Nous devons tous être à leurs côtés maintenant, et aux côtés de toutes les femmes iraniennes, pour dire au gouvernement iranien qu’il doit révoquer cette sentence, libérer Mahvash et Fariba et tous les autres prisonniers d’opinion, et démanteler chaque partie de sa machine de répression qui viole systématiquement les droits humains de ses gens. »
Contexte :
Mahvash, 69 ans, et Fariba, 60 ans, ont été arrêtées pour la première fois en 2008 en tant que membres d’un groupe informel qui s’occupait des besoins pastoraux de base de la communauté bahá’íe au vu et au su du gouvernement iranien. Tous les membres de ce groupe, dont cinq hommes et deux femmes, ont été condamnés à 10 ans de prison pour leurs convictions. Mahvash, Fariba et les autres ont été libérés en 2018.
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