En Iran, un humour sinistre

Partager cet article :

Paris, 20 novembre 2022 – Après avoir interdit pendant 40 ans l’accès aux études supérieures à tous les étudiants appartenant à la communauté bahá’íe (la plus grande minorité religieuse du pays), le gouvernement iranien a enfin trouvé des coupables qui incitent les étudiants à manifester : les bahá’ís ! La honte ne semble pas être un sentiment partagé par un gouvernement qui depuis le début de la république islamique empêche les jeunes bahá’ís de poursuivre leurs études supérieures et de surcroît tente de saborder le système élaboré par ces derniers pour leur permettre néanmoins de s’éduquer : l’Institut bahá’í d’études supérieures (BIHE), une université virtuelle qui vient d’obtenir le prix espagnol « liberpress » conjointement avec le dessinateur Kianoush Ramezani.

Ces tentatives ridicules d’impliquer les bahá’ís dans les manifestations de mécontentement qui bourgeonnent dans tout le pays illustrent cette habitude du gouvernement à répandre la peur et la méfiance pour diviser la société. Plutôt que de s’attaquer aux défis sous-jacents auxquels la société iranienne est confrontée et de répondre aux aspirations du peuple iranien, le gouvernement continue de rejeter ses propres échecs sur les autres, y compris sur les bahá’ís.

Cette tentative est le dernier épisode d’une aggravation de la persécution des bahá’ís qui a commencé en juillet dernier et qui a donné lieu à près de 300 incidents de persécution sur une période de six semaines.

La porte-parole des bahá’ís de France, Hamdam Nadafi, déclare : « La souffrance des Iraniens est la nôtre. Les bahá’ís en Iran sont des citoyens qui ne connaissent que trop l’injustice aux mains du gouvernement, un gouvernement qui s’est résolument engagé à les détruire en tant qu’entité viable. Tous les droits humains fondamentaux leur ont été retirés. Ils ont enduré des années d’arrestations, de détentions, de mauvais traitements, le refus d’une éducation supérieure et la suppression de moyens de subsistance. Les autorités s’en sont prises jusqu’à leurs cimetières dont la quasi-totalité a été détruite. Tout au long de ces 43 années de souffrance, ils sont restés résilients face à la persécution continue orchestrée par leur propre gouvernement dont le devoir est pourtant de les protéger.

Les bahá’ís savent ce que l’on ressent lorsqu’on est détenu sans procédure régulière sur la base de fausses accusations, lorsqu’on est interrogé et maltraité pendant que les familles craignent pour leurs proches et ne savent pas où ils sont emprisonnés, tout cela pour rester fidèle à leurs convictions. Notre souhait est que tous les Iraniens puissent vivre dans la paix et la sécurité, puissent avoir la liberté de vivre et de penser, de croire ou de ne pas croire, de bénéficier, hommes ou femmes de ce principe universel d’égalité et de justice pour que chacun contribue au progrès de sa société, indépendamment de son origine ethnique ou de ses croyances religieuses. »

Quelques exemples des derniers incidents concernant des bahá’ís :

– Parmi les quelques 300 bahá’ís arrêtés depuis juillet dernier, trois toujours en détention sont d’anciens responsables de la communauté bahá’íe : Mmes Mahvash Sabet et Fariba Kamalabadi et M. Afif Naimi, qui avaient été arrêtés le 31 juillet au début de la répression estivale. Ils ont maintenant passé chacun plus de 100 jours en détention sans procès. Ces trois personnes étaient membres des « Yaran », ou « Amis » de l’Iran, un groupe informel dissous qui s’occupait des besoins pastoraux de base de la communauté bahá’íe, qui ont tous été emprisonnés en 2008 pour une décennie. Et ce, bien que depuis leur libération en 2018, ils n’aient eu aucune responsabilité au sein de la communauté.

– Deux jeunes hommes, âgés de seulement 16 ans, ont été interrogés et battus. Les adolescents ont été arrêtés à la mi-octobre et détenus pendant plusieurs heures sans qu’aucune information ne soit donnée à leurs familles. Les jeunes ont ensuite été renvoyés à leur domicile, qui a été fouillé, et des objets personnels ont été confisqués avant que les deux jeunes ne soient relâchés.

– Un bahá’í en visite à Téhéran pour son travail a été arrêté début octobre et envoyé à la prison d’Evin, d’où il a pu contacter sa famille, mais il n’a plus donné de nouvelles depuis l’incendie de l’établissement le 15 octobre.

– Un couple de bahá’ís est détenu depuis la mi-octobre sans procédure régulière et fait face à des accusations telles que « rassemblement et collusion contre la sécurité nationale » et « blasphème », ainsi que « propagande contre le régime et activités contre la sécurité nationale ». Les autorités ont refusé d’accepter leur caution et le couple est toujours emprisonné.

– Une bahá’íe, détenue fin septembre à la prison d’Evin sans visite familiale, a annoncé à sa famille, lors d’un appel téléphonique, que sa détention était prolongée de 30 jours supplémentaires. Le mari de cette femme, qui n’est pas bahá’í, avait également été convoqué et interrogé.

– Un bahá’í qui est en détention sans procédure régulière depuis la mi-septembre a indiqué qu’il avait été accusé de « propagande contre le régime par l’enseignement de la foi bahá’íe », de « propagande contre la charia islamique sacrée » et de « communication et coopération avec les médias étrangers par le biais d’interviews et d’envoi de nouvelles sur les violations des droits de l’homme et d’incitation des gens à créer des protestations permanentes dans le cyberespace ». Il a également été battu et s’est vu refuser sa demande d’être examiné par un médecin. Les derniers rapports indiquent que les interrogateurs tentaient de lui extorquer des aveux forcés – et qu’il n’a pas eu accès à un avocat.

– Un autre rapport reçu par le BIC indique qu’en raison de la surpopulation dans les prisons iraniennes suite à l’augmentation du nombre d’arrestations, un bahá’í détenu est maintenu dans une petite cellule à peine plus grande qu’une cellule d’isolement avec 16 autres personnes.

Partager cet article :