PARIS, le 21 novembre 2024 – Il y a onze ans, Ataollah Rezvani, un bahá’í iranien, était brutalement assassiné dans sa voiture parce qu’il était membre de la plus grande minorité religieuse d’Iran, la foi bahá’íe. Après avoir subi pendant des mois des menaces physiques à son encontre, il était abattu d’une balle dans la nuque d’une façon qui laisse à croire le caractère prémédité du meurtre. M. Rezvani, père de deux enfants, avait 52 ans lorsqu’il a été retrouvé mort dans sa voiture le 22 août 2013, près de la gare de Bandar Abbas, dans la province d’Hormozgan.
Onze ans plus tard, un jugement a finalement été rendu le 22 octobre 2024 par la branche nº 1 du tribunal pénal d’Hormozgan, confirmant enfin que M. Rezvani avait bien été victime d’un meurtre prémédité. Le jugement ajoute que l’auteur présumé est aujourd’hui décédé, reconnaissant ainsi que les autorités connaissaient l’identité du tueur, même si l’individu n’a jamais été inculpé et condamné. La décision de la Cour a cependant refusé à la famille Rezvani la justice qu’elle demandait en rejetant sa demande de compensation financière pour le meurtre, déclarant spécifiquement que la justification de ce refus était qu’il était bahá’í.
Les proches des victimes de meurtre en Iran ont le droit, en vertu de la loi iranienne, de demander une compensation financière aux auteurs ou, si l’auteur est inconnu ou décédé, à l’État. La décision de la Cour intervient alors que le vice-président iranien chargé des affaires stratégiques, Mohammad Javad Zarif, est apparu sur Internet en répétant les mêmes vieilles affirmations rebattues et éculées selon lesquelles la République islamique respecte les droits des minorités religieuses.
La Communauté internationale bahá’íe (BIC) a déclaré à l’époque que le meurtre était motivé par la religion et a appelé le gouvernement iranien à traduire les auteurs de ce crime en justice. De nombreux gouvernements internationaux et groupes de la société civile ont également condamné le meurtre lorsqu’il a été rapporté pour la première fois et ont exhorté le gouvernement iranien à poursuivre l’affaire.
M. Rezvani était un bahá’í remarquable, localement très apprécié, qui avait des antécédents d’activités de service social dans la région de Bandar Abbas. L’organisation de défense des droits de l’homme HRANA a rapporté en 2021 que le meurtre de M. Rezvani pourrait avoir été perpétré par des agents des services de renseignement et de sécurité agissant pour le compte de fonctionnaires régionaux mécontents des services rendus par M. Rezvani à la population locale.
« Ataollah Rezvani n’aurait jamais dû être assassiné. Mais comme il l’a été, son meurtrier aurait dû être condamné à une peine sévère pour son acte prémédité », déclare Simin Fahandej, représentante de la BIC auprès des Nations Unies à Genève. « M. Rezvani a été tué parce qu’il était bahá’í – exactement le genre d’attaque qui se produit lorsqu’un gouvernement sature une société de discours de haine visant une minorité comme les bahá’ís ».
Pendant plus de dix ans, la veuve et les enfants d’Ataollah Rezvani ont cherché à obtenir justice pour le meurtre inadmissible de leur père. Après des années de tentatives pour clore l’affaire en demandant des enquêtes, des audiences et des dédommagements, et après avoir résisté aux pressions exercées par les autorités pour qu’elle et ses enfants abandonnent l’affaire et les poursuites. La récente décision de justice montre clairement la raison de ces années d’obscurcissement juridique : il s’agissait d’un bahá’í.
« Pensez-y : un bahá’í est assassiné pour sa foi », rappelle Mme Fahandej. « Sa famille cherche à obtenir justice, mais cette justice lui est refusée, encore une fois à cause de sa foi. Quel message le gouvernement iranien envoie-t-il à son peuple ? N’est-ce pas dévaloriser explicitement l’humanité de ses citoyens ? Leur vie et leur existence même ? Cela ne dit-il pas, une fois de plus, que la violence à l’encontre des bahá’ís peut se produire en toute impunité ? »
« Le gouvernement a infligé une double injustice à une famille innocente », ajoute Mme Fahandej. « D’abord, en n’enquêtant pas sur le meurtre d’Ataollah Rezvani, un père et un mari, qui a été tué pour sa foi, et ensuite en refusant à sa famille la justice et l’indemnisation légale, encore une fois à cause de leurs croyances. La perte d’un être cher à cause d’une telle haine est déjà assez dévastatrice, mais être ensuite confronté à un système judiciaire qui vous déshumanise à cause de vos croyances est une seconde blessure, encore plus cruelle ».
L’ordonnance du tribunal a déclaré que « considérant […] que la victime appartenait à la secte du bahaïsme » et que « conformément à l’article 13 de la Constitution, les zoroastriens, les juifs et les chrétiens iraniens sont les seules minorités religieuses reconnues qui se trouvent dans les limites de la loi […] et que la secte du bahaïsme est une minorité religieuse […] et la secte du bahaïsme est exclue de l’inclusion dans cet article de la Constitution […] la Cour décide de rejeter la demande des [plaignants] pour le paiement du prix du sang [compensation financière] à partir des fonds publics. »
« Cette décision apporte une nouvelle preuve de la manière dont la persécution de la communauté bahá’íe iranienne est institutionnalisée par le droit iranien, qui exclut les bahá’ís dans tous les domaines de la vie et les empêche de demander justice ou de faire valoir leurs droits humains par le biais du système juridique de la République islamique.
En déclarant par écrit que la raison du blocage du droit légal de la famille à une compensation financière pour le meurtre est leur croyance religieuse, la République islamique a une fois de plus confirmé sa politique systématique de suppression et de persécution des bahá’ís d’Iran.
« La décision du tribunal nous rappelle que la persécution des bahá’ís est ancrée dans la loi iranienne, ce qui permet aux crimes contre les bahá’ís de se produire en toute impunité », déclare Mme Fahandej. « On voit que la vie des bahá’ís a moins de valeur pour la République islamique que la vie des autres citoyens. Et les bahá’ís ne jouissent d’aucun des droits que la constitution iranienne garantit aux autres citoyens. »
Au fil des ans, des rapports ont montré qu’au lieu de poursuivre l’affaire du meurtre, les fonctionnaires locaux ont tergiversé et tenté de saboter les enquêtes et ont ignoré les efforts de la famille et des amis de M. Rezvani pour porter l’affaire devant les tribunaux. Un premier procès a été rejeté et la dernière décision fait suite à une ordonnance de 2021 ordonnant un nouveau procès.
« Quel genre de système judiciaire pense qu’il est juste de fermer les yeux sur le meurtre en raison de sa foi, meurtre prémédité et non provoqué, d’un homme innocent ? » demande Mme Fahandej. « Quel genre d’institutions chargées de l’application de la loi non seulement encourage un meurtre, mais ne mène pas d’enquête et n’inculpe pas le tueur ? Et quel genre de tribunal se penche sur la quête de justice d’une famille pendant 11 ans, dans le cas d’un meurtre reconnu, d’un meurtrier identifié, et décide que les croyances religieuses de la famille de la victime sont un motif suffisant pour lui refuser ce qui lui est dû ? »
« Le pouvoir judiciaire iranien devrait annuler cette décision scandaleuse sans délai et accorder à la famille de M. Rezvani la dignité d’au moins reconnaître la valeur de la vie de M. Rezavani, en termes d’indemnisation, plus de dix ans après sa perte tragique”, ajoute Mme Fahandej. « Le message est clair : la violence contre les bahá’ís est approuvée, leurs souffrances sont ignorées et leurs vies sont rendues invisibles aux yeux de l’État. Une telle cruauté institutionnalisée devrait alarmer tout défenseur des droits humains ».
L’assassinat d’Ataollah Rezvani : une chronologie
– 24 août 2013 : Ataollah Rezvani, un résident bahá’í bien connu de Bandar Abbas est retrouvé mort dans sa voiture près de la gare de la ville. Il a été abattu d’une balle à la nuque.
– 25 août 2013 : Le Baha’i World News Service (Les Informations bahá’íes internationales) rapporte le meurtre de M. Rezvani, soulignant l’inquiétude que le crime ait été motivé par des motifs religieux en raison de sa foi.
– 27 août 2013 : La Communauté internationale bahá’íe publie une déclaration exhortant les autorités iraniennes à mener une enquête approfondie sur le meurtre de M. Rezvani et à traduire les auteurs en justice.
– Septembre 2013 : Les gouvernements et les organisations de défense des droits de l’homme condamnent le meurtre et demandent une enquête impartiale.
– Octobre 2013 : Des informations indiquent que les autorités judiciaires tentent de clore l’enquête sur le meurtre de M. Rezvani sans identifier ni poursuivre les auteurs.
– Août 2016 : Trois ans après le meurtre, « Justice for Iran » publie un rapport critiquant l’absence de progrès dans l’enquête et les pressions continues subies par la famille de M. Rezvani.
– Avril 2021 : Après huit ans d’obstacles juridiques et de retards, l’affaire est renvoyée à la branche 6 du bureau du procureur public et révolutionnaire de Bandar Abbas pour un nouveau procès.
– Octobre 2024 : La première section du tribunal pénal de la province d’Hormozgan confirme que le meurtre de M. Rezvani était intentionnel, mais refuse à sa famille toute compensation financière, en invoquant leurs croyances bahá’íes.
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